Le peintre Kris Knight, qui réalise des portraits de jeunes hommes gays, est exposé pour la première fois à Paris. Nous l'avons rencontré à la galerie Alain Gutharc lors de son vernissage.
Il a 36 ans mais toujours des airs de jeune homme un peu timide, comme les garçons dont il brosse le portrait. L'artiste, originaire de Toronto, a acquis une certaine notoriété dans les milieux de l'art et de la mode, en inventant notamment des motifs pour Gucci. Il jouit aussi d'une coquette e-réputation portée par un compte Instagram impeccable. Et pourtant, il est toujours surpris quand quelqu'un se penche sur son travail.
Après Miami et New-York, ses œuvres sont aujourd'hui réunies à Paris sous le titre Throwing shadows (ombres portées). La quinzaine de tableaux disposés dans l'espace blanc immaculé de la galerie composent un monde apaisé de garçons sensibles. Kris Knight s'inspire souvent de jeunes hommes bien réels :
Je fais appel à des amis d’amis. Il faut que mes modèles me soient un peu étrangers. Comme je suis une personne assez nerveuse, j’ai toujours peur de rencontrer des inconnus. J’utilise cette peur pour la transformer en énergie. J’aurais trop la pression de peindre les gens dont je suis proche, j'aurais l'impression qu'il faut en faire un portrait fidèle alors qu'en réalité, je fais plus attention à l’histoire dans mes tableaux. Je ne suis pas un portraitiste traditionnel. J’essaye de retranscrire l’essence des garçons que je peins.
Après avoir réalisé de nombreux portraits de femmes au début de sa carrière, Kris Knight ne fait presque appel aujourd'hui qu'à des garçons homosexuels :
Quand je suis devenu plus à l’aise avec ma sexualité, j’ai eu envie d’être fier de qui j’étais et de représenter des hommes gays. Je pense que c’est assez rare dans le monde de l’art, bien que beaucoup d’artistes soient gays. Un peu comme à Hollywood : les acteurs gays jouent souvent des personnages hétéros !
Les garçons des tableaux de Kris ne sont pas du genre couverture de magazine - bien que des magazines aient depuis utilisé ses ouvres en une, à l'instar de Fashion for men. Les corps musclés, on les voit déjà partout ailleurs. Comment définirait-il la beauté des hommes dans ses œuvres ?
Leur beauté est fluide. Ils sont entre le féminin et le masculin. Les gays féminins sont marginalisés par les autres car ils ne correspondent pas aux canons contemporains. J’aime aussi les gens qui ne sont pas très à l’aise avec leur corps, car dans leur maladresse il y a un mystère qui m’intéresse. Les gens sans aspérité ne m’intéressent pas.
Les titres de ses œuvres sont toujours énigmatiques. The Last song fait en fait référence à l'attentat d'Orlando. Kris a peint le tableau dans les semaines qui ont suivi :
The Last song, c’est littéralement la dernière chanson qu’il entend... Il est dans le club. Appuyé contre le mur, les yeux fermés.
Good night rich kids est une blague que je fais avec mes amis artistes qui viennent de milieux friqués. "Ce sont probablement des enfants riches", on dit entre nous. Plus jeune, je ne dormais pas très bien, car j'avais des problèmes d'argent… Je me demandais : "Et les enfants riches, est-ce qu’ils dorment sur leurs deux oreilles ?" Je crois que oui.
Les ombres ne sont pas que celles des garçons. Les portraitistes mettent toujours des petits morceaux d'eux dans leurs tableaux; moi, on me repère dans leurs nez recourbés.
Kris a 36 ans et une carrière de peintre devant lui. A Toronto, il est en couple avec "un geek informatique" qui ne connait pas grand chose à l'art. Et tant mieux, car deux artistes ensemble ne seraient selon lui pas la meilleure configuration :
Cela fait 16 ans qu’on est ensemble. Je ne suis pas une drama queen dans la vie, mais si la journée a été difficile, c’est mieux pour moi quand je rentre à la maison de ne pas retrouver quelqu'un avec des problèmes d'artiste !
Throwing shadows
Jusqu'au 12 novembre 2016
Galerie Alain Gutharc
7, rue Saint-Claude
75003 Paris
Crédits couverture : Peekaboo (Every Move Has A Motive) / Courtesy Alain Gutharc
Pour en savoir plus :
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