En Russie, des régions particulièrement touchées par le VIH tirent la sonnette d'alarme. En cause, un manque de moyens et les ravages de la désinformation.
Dans certaines régions de Russie, la situation sanitaire est alarmante. C'est notamment le cas à Ekaterinbourg - la quatrième ville du pays (env. 1,5 millions d'habitant) - capitale de l'oblast de Sverdvlosk, dans l'Oural. Récemment interviewée par le média russe Courrier de Russie), la première adjointe du directeur du département pour la santé de la mairie, Tatiana Savinova, a déclaré :
Nous avons officiellement annoncé une épidémie de VIH dans la ville. (...) Mais les chiffres réels sont plus élevés.
De son côté, le maire d'Ekaterinbourg, Evgueni Roïzman, a tenu a souligner que cette réalité est valable pour l'ensemble de la Russie :
Ne vous faites pas d’illusions : la situation est la même dans tout le pays. Simplement, nous travaillons sur le dépistage, et nous n’avons pas peur d’en parler.
Et d'ajouter que cette épidémie est en grande partie due à "la narco-catastrophe de l’héroïne de la fin des années 1990-début des années 2000".
Niveau critique de contamination
Selon les services de santé locaux, 1,8% de la population serait atteinte du VIH, soit 1 personne sur 50. Les deux principaux mode de contamination seraient l’échange de seringues entre toxicomanes (52%) et les rapports sexuels (46%), bien que l'on assiste à une augmentation des contaminations par ce dernier vecteur, précise Tatiana Savinova.
D'autres régions sont également gravement touchées par le VIH. Ainsi, selon les chiffres du ROSSTAT (l'équivalent de l'INSEE) et ceux du Centre fédéral de lutte contre le sida, 0,6% de la population serait atteinte du VIH. Cependant, 10 régions, dont celle de Sverdvlosk, auraient atteint un niveau critique de contamination, rapporte TACC, l'une des principales agences de presse russes.
De fait, la Russie est l'un des rares pays au monde où les contaminations au VIH continuent de progresser au rythme de 10 à 15% par an alors que l'épidémie a été maîtrisée en Afrique subsaharienne. Pourtant, pour Vadim Pokrovski, le directeur du Centre fédéral de lutte contre le sida, les mesures pour endiguer l'épidémie sont bien connues : pour les toxicomanes, proposer des thérapies de substitution aux opiacés (TSO) et mettre en place un vaste programme de distribution de seringues à usage unique ; pour l'ensemble de la population, introduire des cours d’éducation sexuelle, mettre en place de vaste campagne de prévention et sensibiliser à l'usage du préservatif (premier rempart contre le VIH). S'agissant des personnes séropositives, seules 20% d'entre elles ont accès à un traitement antiviral.
Plus de moyens, moins de désinformation
En 2015, la ministre de la santé russe, Veronika Skvortsova, avait alerté le gouvernement sur la propagation inquiétante du virus à travers le pays. En 2016, il semblerait que les autorités russes aient entendu cet appel de détresse puisque le budget alloué à la lutte contre le VIH va passer à 33 millions d'euros dans le but de pouvoir soigner 90% des personnes infectées contre 23% aujourd'hui.
Mais une augmentation de la dépense publique ne sera pas suffisante tant qu'une partie de la classe politique s'échinera à propager des campagnes de désinformation autour du VIH. Un récent rapport, remis au gouvernement par un organisme proche du pouvoir, incombait la propagation du VIH aux mœurs dissolues venues de l'occident : infidélité, divorce et homosexualité. En outre, le préservatif serait lui aussi responsable de la forte augmentation des contaminations dans le pays...
De fait, les experts avertissent que le nombre de séropositifs pourrait passer de 1 million aujourd'hui à 6 millions en 2020 si une véritable politique sanitaire, couplant financement et prévention, n'est pas mise en place.