La presse internationale salue l'élection de Moon Jae-in à la présidence de la Corée du Sud devant son concurrent conservateur. Pourtant...
Les résultats sont tombés mardi : Moon Jae-in, candidat progressiste, remplacera Park Geun-Hye, présidente conservatrice éjectée du siège présidentiel après une retentissante affaire de corruption, d'abus de pouvoir et d'extorsion de fonds qui a éclaboussé d'autres politiques. Le candidat de son parti, le très conservateur Hong Joon-pyo, n'a récolté que 25,2% des voix devant la victoire écrasante - et anticipée - du Parti démocratique unifié (PDU) équivalent à un ancrage centre-gauche.
Avocat spécialiste des droits de l'Homme, Moon Jae-in porte avec son élection une approche plus conciliante avec leurs voisins du Nord, la fin d'une décennie de gouvernance conservatrice et d'une corruption rampante qui, avec l'inculpation officielle de Park Geun-Hye, a déjà entraîné trois chef de l'État derrière les barreaux.
"Je serai le président de tous les Sud-Coréens !" a aussitôt lancé le nouveau président élu devant la foule réunie place Gwanghwamun à Séoul. Mais l'emphase sonne déjà faux. "Je n'aime pas l'homosexualité" avait-il déclaré deux semaines plus tôt lors d'un débat télévisé. Assénant même un radical "bien entendu", lorsque la présentatrice lui demande, surprise, si elle a bien compris. Le 26 avril, au lendemain de ce commentaire, quatorze militants LGBT ont confronté le candidat à l'Assemblée nationale de Séoul avant d'être interceptés par son service de sécurité puis interpellés par la police et enfermés plusieurs heures en garde à vue.
Plus tôt, Moon Jae-in draguait l'électorat conservateur en affirmant que les soldats gays, victimes d'une véritable chasse aux sorcières dans l'armée sud-coréenne, "affaiblissaient" leurs forces. Sans surprise, le mariage pour tous ne fait pas partie de son programme. Moon Jae-in a bien au contraire affirmé sa volonté de le combattre.
La majorité du pays est opposée à l'homosexualité
En Corée du sud, le tabou et la désapprobation sociale qui encerclent l'homosexualité sont encore féroces. Selon une étude du think thank américain Pew Research Center, 57% de la population sud-coréenne considère que l'homosexualité est inacceptable.
"J'ai perdu tellement de personnes de mon entourage", confiait au Korean Times l'une des militantes LGBT interpellées le 26 avril et accusant Moon Jae-in de ne pas mesurer l'impact de ses paroles anti-gay sur la population LGBT.
Largement distillée par certains chrétiens conservateurs, l'homophobie emprunte aussi des arguments diplomatiques : "L'homosexualité est vue comme une menace pour la société car on pense qu'elle endommage la croissance de la population et met en danger la sécurité nationale en affaiblissant l'armée, ce qui nous rend vulnérables face à une potentielle attaque nord-coréenne", analyse la professeure Nami Kim dans sa critique féministe sur l'hégémonie masculine en Corée du sud.
Par conséquent, peu de personnalités out, si ce n'est le réalisateur Jho Gwang-Soo qui lutte depuis les tribunaux pour épouser son compagnon Kim Seung-Hwan et ainsi ouvrir une brèche en faveur du mariage pour tous, jusqu'à présent sans succès.
Couverture : Moon Jae-in, 19ème président de la République de Corée, le 10 mai 2017 lors de la cérémonie de son investiture - crédit photo Republic of Korea/Flickr