VIHIST, obésité, contraception : Certaines consultations en médecine générale passent à 46€ et 60€

Par Jérémy Patinier le 15/09/2017
Guillaume Potherat patients gays médecine générale HomoGEN

C’est une nouvelle victoire pour les médecins généralistes, avec la promulgation au Journal officiel d’un décret (prévu depuis 2016) faisant passer certaines consultations de 25€ à 46€, d’autres à 60€. L’assurance maladie crée en effet deux nouvelles formes de consultations médicales, qualifiées de « complexes » et « très complexes ».

En 2002, on était passé à 20€. En janvier 2011, à 23€. À 25€ en 2007. Les médecins généralistes arguent, pour justifier de cette augmentation régulière, le vieillissement des patients, présentant des pathologies chroniques et qui nécessitent des consultations plus longues. Il y a aussi de plus en plus de tâches administratives dans les cabinets, les 2/3 des généralistes n’ayant pas de secrétaire pour les assister. C’est d’ailleurs ce point qu’ils avaient également mis sur le devant de la scène lorsqu’ils s’arque-boutèrent devant la « loi Santé » de Marisol Touraine et sa volonté de généraliser le tiers payant, en 2016. Trop de paperasses, trop d’attente pour le remboursement, trop peu de bénéfices… Le revenu net moyen du généraliste en secteur 1 est évalué aujourd'hui à 26€ de l’heure par les syndicats.
En plus d’avoir réussi à faire suspendre le tiers-payant en août (par la nouvelle ministre des Affaires sociales, Agnès Buzyn), voici donc que certaines consultations augmentent. Les médecins généralistes réclamaient un paiement à la hauteur de leur expertise acquise, car ils et elles deviennent parfois aussi compétent que des spécialistes (lesquels sont plus cher, et que les patients ne consultent que pour des besoins spécifiques).
Les consultations « complexes» sont donc augmentées à 46€ : elles concernent les consultations de suivi de l’obésité chez les enfants de 3 à 12 ans, la consultation obligatoire des nouveau-nés à la sortie de la maternité et au 28e jour suivant la naissance (les couples lesbiens pris en charge pour la PMA seront impactés), mais surtout les consultations de contraception et de prévention des maladies sexuellement transmissibles (en particulier auprès des jeunes filles de 15 à 18 ans), dont le maximum est fixé à une consultation annuelle. On se rapproche des tarifs d’une « visite longue et complexe » au domicile d’un patient atteint de maladie neurodégénérative par le médecin traitant, qui coûte 46€. Ou d’une visite à domicile majorée du déplacement nocturne de 00h00 à 6h00 (43,50€). Par ailleurs, le secret professionnel est levé puisque le remboursement de la sécurité sociale indiquera un montant prouvant que la mineure est venue pour parler contraception/IST, ce qui étonne les associations féministes (mais les adolescents concernées peuvent tout à fait demander à utiliser un numéro de sécurité sociale anonyme pour la prise en charge). Les consultations contraceptives restent facturées 23€ chez les sages-femmes, mieux formées que les médecins généralistes à la contraception (minimum de 10 heures d'enseignement dans leur cursus contre 4 pour les médecins généralistes).
Les consultations « très complexes » sont augmentées à 60€ et concernent les pédiatres, les rhumatologues, les dermatologues…
Enfin, les visites longues au domicile des patients atteints de maladies neurodégénératives sont réévaluées de 56 à 70€ et sont désormais prises en charge à hauteur de trois consultations par an (contre une seule auparavant).
À ces tarifs, il faut ajouter en prime des majorations si vous présentez de l'asthme ou des troubles du comportement alimentaire... Ils entreront en vigueur le 1er novembre.
 

Quel impact sur les patients ?

La prise en charge financière de ces consultations n’évolue pas en termes de pourcentages pour l’Assurance maladie (70% et 100% pour les affections de longue durée). En clair, le reste à charge pour les usagers passe de 7,5€ à 13,80€ pour le tarif de 46€.
Aujourd'hui, face à une consultation "complexe" ou "très complexe", le médecin peut :

  • "Refuser" la consultation approfondie et préférer renvoyer le patient vers un spécialiste, généralement beaucoup plus coûteux;
  • Réaliser la consultation en maintenant un tarif de 25€ mais perd de l'argent car il y passera trois fois plus de temps que pour une consultation classique;
  • Appliquer un dépassement d'honoraires (ce qui est tout à fait légal, même pour un médecin conventionné).

Avec ces nouveaux tarifs, les médecins affirment qu'il y aura moins de risque de refus de soin/qu'ils travaillent "à perte".
Mais il y a surtout tout à craindre que les organismes complémentaires de santé fassent bientôt peser sur leurs bénéficiaires cette charge de 180 millions d’euros annuelle (incluant également le passage de 23€ à 25€ la consultation de médecine générale). Les complémentaires n’avaient d’ailleurs pas apposé leur signature à la convention médicale qui augmente les tarifs, d’autant plus qu’elles vont subir d’autres surcoûts suite aux autres conventions (dentaire, pharmacie…)… La facture des usagers risque donc d’être salée dans quelques mois.
Pour l’association « Gyn&co », qui se dit « attérée », "cette décision va à l’encontre des droits des personnes à disposer de leurs corps et s’inscrit en totale contradiction avec les maigres efforts des autorités de santé pour lutter contre les infections sexuellement transmissibles et les grossesses non prévues" :

Ces consultations devraient être entièrement gratuites pour faciliter leur accès. Et elles n’ont rien de complexes : il s’agit simplement de délivrer une information claire aux personnes, et de faciliter l’exercice de leur libre arbitre. Une contraception est choisie par un.e usager.e, pas par un médecin !
Cette mesure est aussi absurde que dangereuse : les personnes mineures, qui ne peuvent pas toujours bénéficier du soutien familial, n’ont pas besoin de difficultés financières supplémentaires. Ces nouvelles « consultations complexes » surtaxées ont de plus grandes chances de se traduire par une prescription systématique de pilule, sans même évoquer les autres méthodes, comme c’est le cas très fréquemment aujourd’hui.

Il est aussi important d’insister sur la nécessité d’augmenter la qualité des informations délivrées lors des consultations. Si on ne peut généraliser, certains médecins expédient en 10 minutes ce genre de prestation, mais aucune augmentation du contrôle de qualité ne semble prévu pour équilibrer cet avantage donné aux médecins.
 

Quel impact sur les LGBT ? Sur les séropositifs ?

Selon nos informations, l’annonce d’un cancer ou d’une séropositivité  (NDLR : un acte spécifique dans la nomenclature de la Sécurité sociale, car il peut nécessiter jusqu’à plus d’une heure avec le patient) passe également de 30€ à 46€. Et c’est un peu moins connu mais, en plus des consultations à 25€, l’acte dit « MCG » (déclaration obligatoire de médecin généraliste) passe également de 3€ à 5€.
Bien sûr, pour les bénéficiaires de la CMU (couverture maladie universelle) ou de l’AME (Aide médicale d’État) ou souffrant d’ALD (Affection de longue durée, comme le VIH, ou la transidentité quand il y une prise en charge de la transition), pas de changement, le remboursement sera maintenu à 100%. Cependant, pour les personnes sans mutuelle, cette augmentation sera à leur charge. Celles-ci ayant en général déjà de faible ressource (raison pour laquelle ils ne prennent pas de mutuelle), on craint que ces patients se tiennent encore plus à l’écart de ces actes de contraception, de prévention (de l’obésité et des maladies sexuellement transmissibles).
L’association Aides s‘alarme des conséquences probables : le renoncement à ces soins, la baisse du recours contraceptif chez les personnes mineures, et la baisse des dépistages et prises en charge des IST, devenus trop chers pour les usager.e.s qui réfléchiront à deux fois avant de vérifier leur statut sérologique.
Heureusement, il reste des consultations gratuites au planning familial, dans les CeGIDD (Centre Gratuit d’Information, de Dépistage et de Diagnostic : http://www.sida-info-service.org/?-DEPISTAGE-VIH-sida-).
C’est bien un risque de déconventionnement massif qui pointe, mettant en danger l’équité d’accès aux soins de patients jeunes, fragiles, ou déjà en situation de faiblesse et de précarité.
 
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Couverture : Crédit illustration Sylvain Jean