Le Premier ministre du Luxembourg, Xavier Bettel, a accepté de nous parler de son mari et du fait d'être gay quand on est l'un des élus les plus influents de la planète.
Cet article est extrait du numéro 216 de TÊTU, disponible exclusivement en version numérique (ici).
Depuis que l'architecte Gauthier Destenay s’est retrouvé sur la photo des "premières dames" à l’Otan, tout le monde veut rencontrer Xavier Bettel. « J’ai refusé les Américains [les magazines OUT et The Advocate, ndlr], j’ai refusé les Anglais [Attitude, ndlr], mais à TÊTU j’ai dit oui parce que j’étais abonné ! » Lui, être gay, ça ne lui fait ni chaud ni froid. Premier ministre du Luxembourg depuis 2013, il a épousé Gauthier Destenay tout juste deux mois après le passage de la loi.
Il débarque un cornet de glace à la main dans son petit hôtel particulier du centre du Luxembourg qui ressemble au village dans La Belle et la Bête. Ses deux gardes du corps aussi finissent leur deux-boules. La responsable presse est tout sourire. C’est un chef d’Etat qui ouvre la porte et pourtant on se croirait dans la mairie – certes cossue – d’une bourgade française. Xavier Bettel prend place devant son bureau vitré où trône une photo de lui et de son mari, Gauthier Destenay, encadrée avec kitsch. « Oh ! C’est votre Premier ministre qui m’écrit une carte postale ». La semaine précédente, Xavier Bettel s’était rendu à Paris pour des séances de travail avec Edouard Philippe et Emmanuel Macron. Éclats de rire à la lecture. Si on a voulu le rencontrer, comme ça au beau milieu de l’été, c’est parce que la présence de son mari sur la photo des "premières dames" lors du sommet de l’Otan, à Bruxelles en mai dernier, a beaucoup fait jaser. Pourtant Xavier et Gauthier, ils ne cessent de le répéter, sont un couple « comme les autres ».
Une carrière précoce
TÊTU. Vous vous êtes engagé en politique très tôt. A l’âge de 20 ans, vous étiez déjà le Président de l’organisation de jeunesse du Parti démocratique. Savez-vous d’où vous vient cette vocation ?
Xavier Bettel. Ça a commencé à l’école primaire, j’avais 8 ou 9 ans. Il n’y avait pas de place de jeu dans mon école, le maire était venu la visiter, et on a fait une manif. Ça avait marché ! Mais mon engagement n’était pas du tout prédestiné, car ma famille n’est absolument pas militante.
A l’âge de 26 ans, vous êtes élu pour la première fois. Saviez-vous alors que la politique occuperait la majeure partie de votre temps ?
Quand j’ai été élu, j’étais encore étudiant. Je ne savais pas quoi faire. Mon papa venait de mourir. J’étais député, je liquidais la société de mon père. J’ai passé le concours pour devenir avocat et j’ai travaillé au Barreau. Donc j’ai eu un autre métier pendant plus de dix ans, ce que je trouve bien ! Je n’ai pas été que politicien. […]
"Né comme ça"
En 2010, la Première ministre islandaise s’était mariée avec sa compagne ; ensuite, vous vous mariez avec Gauthier Destenay ; aujourd’hui, le Premier ministre d’Irlande, Leo Varadkar, et la Première ministre de Serbie, Ana Brnabic, sont ouvertement homos. Pensez-vous que les temps ont changé ?
Je ne suis pas le Premier ministre gay. Je suis le Premier ministre qui est aussi gay. On arrivera à faire changer les choses en faisant de ça une normalité ! Mon mari qui fait partie des first ladies, c’est vrai, c’est assez spécial. Ils n’ont pas l’habitude d’avoir des first husbands. Mais la photo avec Madame Macron, Madame Erdogan et Madame Trump, c’est un souvenir génial ! Lors de la première réunion à laquelle il a assisté à l’ONU, on demandait à Gauthier : « Alors, vous êtes le mari de quelle présidente ? – Je suis le mari du Premier ministre du Luxembourg. – Et elle s’appelle comment ? – Mais non c’est un monsieur ». Un pays m’a conseillé de venir avec Gauthier en disant qu’il était mon assistant. J’ai refusé. Je leur ai dit : « Je préfère avoir la réputation d’être gay plutôt que celle de coucher avec tout mon staff ». La personne à l’autre bout du fil était scotchée. Les politiques qui le cachent, je ne comprends pas. Quand vous faites de la politique, on vous demande de représenter les gens, si déjà vous n’êtes pas prêt à vous assumer vous-même, c’est un problème de crédibilité ! Je n’aurais pas pu avoir une double-vie, c’est-à-dire jouer l’hétéro et avoir des enfants, en prônant l’honnêteté dans ma carrière politique.
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Couverture : Xavier Bettel devant l'hôtel de Bourgogne au Luxembourg. Photo : Rémy Artiges pour TÊTU