Après le succès de Divines, une autre création de l’association 1 000 visages pourrait ravir le jury français. D’ailleurs, dès les coulisses de Goût bacon, c’est un peu l’histoire qui se répète.
À l’été 2013, un jeune garçon passe la tête dans l’entrebâillure de la MJC de Grigny, dans l'Essonne. Lui, c’est Yasin Houicha. Le directeur de la Maison des Jeunes et de la Culture lui a conseillé d’aller voir du côté des ateliers de cinéma qui s’y déroulent sous la houlette de la réalisatrice Houda Benyamina. En 2006, cette dernière a créé l’association 1 000 visages pour démocratiser le cinéma dans les banlieues ; deux ans plus tard elle a même lancé l’opération Cinétalents pour former les jeunes de banlieue aux métiers du 7e art.
Yasin décrochera le rôle de Samir, un dealer de drogues rival de Dounia (Oulaya Amamra) dans Divines, le premier long-métrage de la réalisatrice. Le film est plébiscité à Cannes en 2016 puis en 2017 où il décroche trois statuettes, dont celui du meilleur premier film et du meilleur espoir féminin.
Entre temps, deux autres ados ont découvert l’association en franchissant les portes de la MJC de Viry-Châtillon, à côté de Grigny. Adil Dehbi a déjà fait un peu de théâtre, Bilel Chegrani découvre l’univers : eux aussi encouragés par le directeur de l’établissement, les voilà qui participent à un atelier d’improvisation, puis bientôt à un exercice filmé qui donnera lieu à un court métrage, Goût bacon. Le titre fait référence à la mention inscrite sur les paquets de chips « 3D », ce qui pousse quelques jeunes musulmans à s’interroger : est-ce qu’elles contiennent du porc ?
Écriture collective
Derrière la caméra, c’est Emma Benestan, ancienne élève de la Fémis, ancienne monteuse d’Abddellatif Kechiche (L’Esquive, La vie d'Adèle), dont elle a hérité du style. « Je voulais non pas parler spécifiquement des tabous liés à la religion, anticipe auprès de Télérama la réalisatrice, mais plutôt interroger, de manière légère et décalée, la question du tribunal interne qui agit dans tout groupe social. »
[Goût Bacon] voudrait se moquer des faux semblants pour parler des rapports filles-garçons et du tabou de l’homosexualité.
13 minutes tournées dans le quartier de la Grande-Borne avec 13 jeunes de l’association, âgés de 15 à 25 ans, et dirigés par une dizaine de professionnel.le.s du cinéma. Adil et Bilel ont gardé leurs prénoms et prennent le rôle de deux garçons sujets aux rumeurs depuis qu’une photo ambiguë a circulé sur Snapchat. Ils cherchent chacun une petite amie "alibi", mais les filles de leur entourage, interprétées par Bahia Hassani et Jennifer Gromas, ne sont pas dupes... Entre chantage et hétérosexualité de façade, Goût bacon c’est aussi un regard franc et sensible sur le tournant de l’adolescence.
En lice pour les César 2018
Remarqué par une quarantaine de festivals nationaux et internationaux, remportant le Prix France Télévision et le Prix du jury presse au festival international de Clermont Ferrant, Goût bacon est présélectionné pour le César du meilleur court métrage 2018. Les nominations officielles seront communiquées le 31 janvier 2018. Les comédien.ne.s elles.eux, depuis ce court, n'arrêtent pas de participer à d'autres tournages.
Diffusé sur France Télévision le 20 janvier 2018, il est encore possible de visionner Goût bacon en replay, jusqu’au 26 janvier, ici :
https://www.france.tv/france-3/libre-court/381703-gout-bacon.html
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