Le Festival international du film lesbien et féministe de Paris se tiendra du 31 octobre au 4 novembre 2018. Quatre jours de fictions et de documentaires, de longs et de courts-métrages, de performances, d'ateliers et de débats, en non-mixité. Un festival féministe et lesbien, pensé par et pour les femmes, dont le but est de promouvoir des films qui n'ont pas été diffusés en salle, réalisés par des femmes et mettant en avant des personnages lesbiens ou des sujets féministes. Le festival, qui fêtera sa trentième édition cette année, est porté par une soixantaine de bénévoles. TÊTU a rencontré pour l'occasion Carole, l'une des organisatrices de Cineffable.
TÊTU : Comment est né Cineffable ?
Le festival est né en 1989. C'était, au départ, un genre de ciné-club mensuel qui regroupait des femmes lesbiennes vivant à Paris. Toutes estimaient qu’il n’y avait pas assez de films lesbiens dans le paysage audiovisuel français. Elles étaient en grande majorité déçues par le Festival international du film de femmes de Créteil (qui existe toujours aujourd'hui, ndlr), qui n'accordait pas une place suffisamment importante aux films lesbiens, selon elles.
Ces femmes ont dénoncé une invisibilisation des lesbiennes dans le cinéma, et, à partir de ce constat, elles ont décidé de donner un espace propre à ces histoires. Elles ont créé le Festival international du film féministe et lesbien de Paris, géré par une association, Cineffable.
L'aspect féministe de ce festival a-t-il toujours été présent ?
En effet, l'aspect féministe du film était là depuis toujours. Mais avant, c'était l'aspect lesbien qui prédominait dans la sélection. Il y avait très peu d'images lesbiennes dans les années 1990, et dès qu'on en avait, ne serait-ce qu'un baiser entre deux femmes, on les projetait au festival.
Aujourd'hui, on met autant l'accent sur le côté féministe que sur l'aspect lesbien. On a d'ailleurs souvent les deux aspects réunis dans les films que nous projetons.
Comment faites-vous pour dénicher les films programmés ?
C'est l'épineux travail de la commission programmation ! Il y a deux façons de trouver ces films. On a d'abord l'appel à candidatures, mis en place il y a trois ans, qui se déroule entre les mois de février et de mai. Les réalisatrices nous envoient leurs projets et on les regarde. On a ensuite la partie chasse, c'est-à-dire qu'on va chercher nous même les films dans les festivals de films LGBT, féministes, de courts métrages, partout dans le monde. C'est cette double démarche qui nous permet d'avoir 400 films en candidature, pour en retenir 70, que l'on diffuse sur toute la durée du festival.
« On voit des films qui émergent de pays qui n'en produisaient aucun auparavant. »
Sur quels critères opérez-vous votre sélection ?
La sélection se fait selon trois critères qui reflètent la volonté du festival et qui n'ont pas changé. C'est notre pierre angulaire.
Il faut d'abord que le film soit réalisé par une personne s’identifiant en tant que femme, ce qui exclue de facto les films co-réalisés par des hommes. Il faut ensuite que le film n'ait pas eu de grande visibilité, c'est-à-dire qu'il ne soit pas diffusé en salles, ni sorti en DVD. Nous estimons en effet que de tels films ont déjà eu la chance de trouver un réseau de distribution, or ce que nous voulons, c'est précisément de visibiliser le travail des femmes qui souffrent trop souvent d'invisibilisation. Il faut enfin que le thème du film soit lesbien et/ou féministe.
C'est un gros travail de tri qui s'opère au terme de nombreuses réunions. Parfois, les filles ne sont pas d'accord. Certaines ont leur film préféré, ce qui peut occasionner quelques accrochages. Mais on arrive toujours à représenter les différentes sensibilités.
Y-a-t-il une évolution dans l'offre des films lesbiens ?
On a beaucoup plus de films lesbiens aujourd'hui qu'avant. Ça, c'est une certitude ! On voit des films qui émergent de pays qui n'en produisaient aucun auparavant. On a par exemple de plus en plus de films qui proviennent du Moyen-Orient et d'Afrique, mais également d'Amérique du sud. Désormais, les réalisatrices trouvent plus facilement de fonds et ont peut être plus d'indépendance qu'avant pour réaliser leurs films.
L'autre point important, c'est l'évolution des sujets. Avant, on ne diffusait que des fictions dans lesquelles on pouvait voir des histoires d’amour entre femmes. Les films étaient sélectionnés juste sur ce critère, indépendamment de leur qualité, ce qui peut surprendre aujourd'hui (rires) !
Désormais, les réalisatrices veulent faire passer d'autres messages. Les films que l'on diffuse traitent de plus en plus de sujets familiaux et sociétaux, dans lesquels il s'avère que les protagonistes principales sont lesbiennes. Il s'agit de montrer que les lesbiennes sont, elles aussi, confrontées à ce type de problèmes.
« On a beaucoup plus de films lesbiens aujourd'hui qu'avant. Ça, c'est une certitude ! »
Est-ce que cela traduit une avancée des mœurs selon vous ?
Je ne saurais dire si c'est une avancée des mœurs ou une préoccupation des réalisatrices. Je pense que cela traduit surtout une envie de faire passer des messages différents aujourd'hui. Peut-être est-ce l'envie des réalisatrices de faire avancer la société. Car le cinéma est évidemment un outil de militantisme.
C'est un peu comme la problématique de la poule et de l'œuf. Est-ce que ce sont les films qui sont un outil pour faire avancer la société ? Ou est-ce la société qui avance et les films qui s'adaptent à elle ? Telle est la question.
Diriez-vous que les lesbiennes sont mieux représentées au cinéma ?
Elles sont mieux représentées en volume, c'est incontestable. En qualité, c'est autre chose... Le film appartient à son époque. Je m'explique : on a pu regarder, en tant que bénévoles, des films sélectionnés il y a 25 ans. On se disait qu'il était impossible de passer des films comme ça, mais les bénévoles plus anciennes nous ont répondu que c'était les meilleurs films à l'époque. C'est pourquoi il m'est très difficile de répondre à votre question !
Quels seront les temps forts de cette 30e édition ?
D'abord, la séance d'ouverture, mercredi 31 octobre, car nous commençons toujours par un concert, et cette année, ce sera Bodie, un groupe de pop féminin. Surtout, nous diffuserons ce même soir un documentaire, « Dykes Camera Action », dans lequel de nombreuses réalisatrices de films lesbiens cultes, comme Barbara Hammer, Su Friedrich ou Cheryl Dynye, racontent comment elles ont exprimé leur identité de lesbiennes à travers leurs œuvres. Le film a quasiment été sélectionné à l'unanimité, ce qui n'arrive que très rarement.
Nous présentons également deux fictions sud-américaines, un pur hasard. L'une le vendredi soir, avec une fiction qui nous vient, pour la toute première fois, tout droit de Porto Rico. Et l'on présentera samedi soir une fiction colombienne.
L'autre temps fort du festival, ce sont les courts métrages de porno, diffusés en deuxième partie de soirée samedi. Nous y tenons beaucoup, car il y a peu de courts métrages lesbiens réalisés par des femmes et qui sont intéressants. C'est aussi une façon de présenter les moyens de prévention et de montrer les femmes dans toutes leurs différences, c'est une séance plurielle.
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