Dans Playboy (2018), Constance D. quittait tout : son métier, ses livres, son appart et sa famille de ministres pour l’écriture et les filles. Dans Love Me Tender, paru le 2 janvier aux éditions Flammarion, Constance Debré raconte l’acte II : l’histoire d’un conflit, d’une mère jugée coupable d’avoir voulu repartir d'une page blanche. Rencontre.
Elle est devenue une voix qui compte. Qui porte, qu’on entend de loin depuis le fond du bar en bas de chez elle où elle enchaine les interviews. Une voix douce quand on s’approche, tantôt grave, tantôt presque cassée, mélange des genres d’une grande bourgeoise qui s’est rebellée, ancienne avocate habituée à convaincre. Elle a de beaux tatouages sur ses bras fins, une silhouette longiligne. En manque d'imagination, la presse féminine lui a d'ailleurs demandé d’interviewer un top model qui s’est mise aux fringues écolos. Pourquoi, elle ne sait pas, mais pourquoi pas. Constance Debré met du temps, souvent, avant de répondre, elle pense ses mots, les pèse et les précise. Elle fait table rase d’un geste de la main. Elle est l’écrivain d’un style, des meilleurs d’aujourd’hui, d’aucuns diraient comme un couteau.
Est-ce que tu t’attendais à ce que l’on parle autant de ton livre ?
Constance Debré : Je m’adresse à une société, à des gens, je n’ai pas fait ce livre juste parce que j’ai besoin d’écrire. J’espérais avoir de l’intérêt et des lecteurs, c’est sûr. C’est un livre qui est très personnel, et dans le même temps qui ne l’est pas du tout. Il y a beaucoup d’intention, j’y ai réfléchi… Qu’il puisse toucher aussi largement, j’en suis très heureuse. En dehors de ce que ça me fait à moi, je me dis que c’est intéressant, sans que j’aie de réponse, de ce que ça dit des autres. Que ça puisse toucher à ce point des gens si éloignés de moi, de mes choix, de ma vie, et qui en ont fait d’autres, ça dit quelque chose d’eux-même. D’autant qu’il y a des mots, des sujets, des propos qui pourraient rebuter, pas seulement les questions d’homosexualité, mais la façon directe dont je peux écrire, par exemple l’amour, la violence, la maternité. Pour l’instant, je n’ai fait que trois rencontres, à Paris et Bordeaux. Il y avait du monde, et c’était visiblement pas que des moins de 40 ans LGBT+ !...