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VIHPhilippe, 45 ans : "On vit avec le VIH, et on vit très bien !"

Par Elodie Hervé le 28/04/2020
VIH

Comment apprendre à vivre avec le VIH ? Philippe lui a mis plusieurs années à se relever, mais aujourd’hui il a réussi à en faire une force.

Pour certains, c’est un coup de téléphone. Pour d’autres des examens de routine. Pour Philippe, 45 ans, ça a été le silence. Le silence d’un docteur qui ne donne pas de nouvelles pendant plusieurs mois. Le silence d’un laboratoire médical qui refuse de communiquer, mais qui appelle le directeur. Le silence pendant le trajet qui le sépare de chez lui. Le silence de ces longues minutes où il refait le fil des événements et se dit que c’est ça. Que ça ne peut être que ça. Ces trois lettres que personne ne veut lui dire. VIH.

Solitude

Onze ans plus tard, Philippe en parle toujours avec beaucoup d’émotion. Les mots se mélangent aux larmes et à cette souffrance que l’on ne dit pas. Il raconte cette angoisse d’avoir peut-être contaminé, son copain de l’époque, Rodrigue, de ne pas avoir su comment réagir, de ces amis qui s’en vont. De cette nuit aux urgences pour le traitement préventif de son homme qui lui reste à ses côtés... “Il a été parfait. Il prenait soin de moi tous les soirs et me rassurait”. Pendant un mois, tous deux vont arrêter de respirer. Le temps pour son copain de recevoir les résultats négatifs de ses tests. “Ça a été un tel soulagement pour moi. Je pense que je n’aurais pas pu supporter de lui avoir transmis le VIH. C’était la seule chose qui comptait.”

Par crainte, il va le repousser et lui demander de s’en aller. “Dans ma tête, je me disais, il fallait qu’il s’en aille avant que je le contamine”. Peu à peu la solitude et les rendez-vous médicaux remplacent les sorties, la vie affective et les amis. S’en suivent plusieurs mois d’errance médicale entre manque de confiance en soi et recherche d’un nouveau traitement.

"Ce n'est que ça"

“Je me souviens, un jour, ma psy m’explique que quand le traitement sera le bon, je ne pourrais plus transmettre le VIH et que j’enlèverais même la capote”. Une hérésie pour lui qui, à ce moment-là, ne voit pas comment il pourrait ravoir une vie sexuelle ou affective. À son travail, ses collègues s’inquiètent de son visage soucieux. “J’ai fini par me confier, sans vraiment réfléchir. Et j’ai été viré. Mon responsable m’a convoqué pour m’expliquer que j’allais être malade tout le temps et qu’il ne pouvait pas me garder parce que cela coûterait trop cher à ma boîte !”

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Comment avancer dans cette situation ? Reprendre confiance en soi et dans le corps médical ? Ses proches lui soumettent alors l’idée de lancer sa propre société de conseils. “La meilleure alternative possible !” En juin 2009, il se lance et embauche Micheline, 62 ans. Jusqu’en 2015, il va se laisser envahir par le travail. Oublier le virus et avancer. “Un jour, nous étions en déplacement, et elle exige d’arrêter la voiture et me demande pourquoi j’ai l’air en permanence pas bien. C’est terrible, il faut que je sache”. Sur un air de défi, il le lui balance, plante son regard dans ses yeux et toise sa réaction. “ Si ce n’est que ça… Je suis tellement soulagée ! Ça va aller alors”. Ce soulagement honnête a eu l’effet d’un électrochoc pour Philippe. Comme le déclic qu’il attendait pour renaître. “Ce n’est que ça”. Une petite phrase qui le fait relativiser.

"Je suis fier de ce que je suis devenu"

Entre temps, il trouve un traitement qui lui correspond. Les effets secondaires disparaissent et il tombe amoureux. Une belle histoire qui va durer cinq ans et où le VIH n’a jamais été un problème. “Quand je lui ai annoncé que j’étais séropositif nous étions sur la plage. Et il n’a pas réagi. Mais il n’est pas parti.” Les jours passent et Philippe revient à la charge. Entre étonnement et craintes, il le questionne, l’interroge sur son absence de réaction. “Merci de m’avoir fait suffisamment confiance pour me le dire. Mais pour moi ça ne change rien”.

En renouant avec une vie sociale et affective, Philippe va aussi changer de regard sur lui. Ce cachet qu’il voyait comme un rappel quotidien de son statut sérologique devient au fil du temps son “meilleur ami”. “Grâce à lui, aujourd'hui, je vis de façon tout à fait normale. Je n’ai plus aucun effet secondaire, j’ai une vie affective et sexuelle, de nouveaux amis. Bref, tout va bien”. Il décrit une vie plus saine, plus équilibrée. Du sport et des fruits. Des rires aussi. Et le grand air de son village non loin de Nantes. De son parcours, il a tiré une force. “On vit avec le VIH et on vit très bien. Maintenant la société va devoir faire avec nous ! En plus, le VIH a changé beaucoup de choses en moi. Et aujourd’hui, je suis fier de qui je suis devenu.”

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