musiqueÀ la rencontre de Mont Joseph, le chanteur torturé qui nous emporte au "Paradis"

Par Florian Ques le 30/06/2020
mont joseph

À 31 ans, Joseph Truflandier – ou Mont Joseph à la scène – tisse un univers musical singulier, empreint de sentiments contraires. Rencontre avec un chanteur pas comme les autres.

La scène musicale francophone est en train de voir naître un nouvel artiste plein de promesses. C'est au courant du mois de mai, alors que l'Hexagone était en plein confinement, que Mont Joseph a levé le voile sur son EP inaugural, Paradis. Cinq titres autoproduits, en français, qui se répondent comme un écho. De sa plume poétique,  Mont Joseph évoque des émotions vives, et se balade aussi bien en Italie (Dolce Baci) qu'il explore les méandres de son identité (L'homme du moment).

Alors que Joseph Truflandier refait à nouveau parler de lui avec la parution du clip pour sa ballade électro mélancolique "Reste tranquille", TÊTU a décidé de lui passer un coup de téléphone afin de parler figures inspirantes, homosexualité et comment celle-ci peut influer sur l'art.

Qui se cache derrière Mont Joseph ?

Déjà, il y a Joseph, donc moi [rires]. J'ai 31 ans et je viens de la région du sud-ouest, du côté de Toulouse. J'ai un parcours assez particulier : je suis passé par la danse et le documentaire. La musique, c'est tout nouveau, ça remonte à trois ans à peine. Mais c'est une manière de s'exprimer qui m'est chère depuis assez longtemps. Après, derrière Mont Joseph, il y a plusieurs personnes même si ça n'est pas un groupe. Je travaille avec d'autres personnes, dont Gauthier [Quatelas, ndlr] du groupe Lisbone, avec qui je compose, et aussi Agape, qui a retouché un peu tous les morceaux avec moi pour l'EP.

Pourquoi avoir commencé la musique aussi tard si ça te titillait depuis longtemps ?

Je donnais beaucoup de cours de yoga et j'étais très actif physiquement. En 2017, je suis tombé malade. J'ai eu une inflammation au niveau du cœur et j'ai été obligé d'être immobilisé pendant quatre mois. Rien de très grave, mais c'est juste que je ne pouvais vraiment rien faire. J'avais un petit clavier qui traînait là depuis quelques années. J'avais déjà essayé de faire de la musique avant, sans succès. Je ne comprenais pas trop comment ça marchait et je me suis dit que c'était l'occasion de m'y pencher un peu plus sérieusement.

J'ai branché ça sur mon ordi et pendant que j'étais au lit, j'ai suivi des cours de solfège vraiment basiques en ligne et regardé des vidéos sur YouTube. Au fur et à mesure que les cours se passaient, je me rendais compte qu'il y avait des suites d'accord qui sonnaient vraiment pas mal et qu'en fait, dans la musique, tout est répétition. Mais de manière un peu savante, il ne faut pas que ça s'entende trop. Donc j'ai commencé à répéter certains accords les uns après les autres jusqu'à ce qu'une mélodie arrive. C'est comme ça que j'ai commencé.

Tu as sorti Paradis, ton tout premier EP, en mai dernier. Comment décrirais-tu ce premier projet ?

C'est un premier essai qui m'a permis de chercher ce que je voulais sans en être complètement sûr. Je suis quand même arrivé à quelque chose de satisfaisant qui me permet de chanter ces histoires devant un public. J'en suis assez fier pour l'instant, c'est vrai que c'est un accomplissement. Mais ce n'est peut-être pas encore la musique telle que je l'ai dans la tête. Ça n'est pas évident.

Quel est ton processus d'écriture ? Qu'est-ce qui t'inspire ?

J'écris tout tout seul. Mon processus, c'est avant tout l'envie d'écrire des histoires sous forme de poèmes. Ça peut être des proses bien sûr, mais quelque chose de poétique en tout cas avec un minimum de rimes. Ensuite, je mets tout ça en musique avec le piano. Ce qui est amusant, c'est que pour l'EP, les chansons étaient initialement écrites en anglais. Quand je les ai retranscrites en français, ça donnait une rythmique assez bizarre mais j'ai bien aimé travailler sur ça.

Tu évoques librement des histoires entre deux hommes dans ta musique, comme dans ton single "Dolce Baci". C'était une évidence pour toi d'être aussi transparent vis-à-vis de ton orientation amoureuse ?

Oui. Je ne suis pas acteur et je ne me voyais pas du tout chanter quelque chose qui ne m'appartenait pas. Je n'ai pas envie de mettre l'accent sur mon orientation sexuelle, ce n'est pas le but. Mais je ne pense pas qu'il y ait besoin de se cacher. J'ai l'impression l'orientation sexuelle peut définir assez grandement le destin de quelqu'un. Il faut vivre ce qu'on est et voir comment ça résonne dans le monde. Quand on est artiste, il faut être au plus près de ce qui est vrai pour nous, parce que sinon, ça ne rime à rien.

J'ai l'impression qu'il y a deux thèmes récurrents au fil de ton EP, c'est l'amour et la nostalgie, voire la nostalgie de l'amour...

Clairement, je vois aussi de l'amour, de la nostalgie. Je vois aussi un peu de haine. Je ne sais plus qui disait ça, je fais mon Afida Turner [rires]. Mais dans l'art, il y a deux sujets : l'amour et la mort. Et tu ne peux vraiment y échapper. Après, il y a des degrés différents entre les deux mais ça parle toujours un peu de ça au final. Donc c'est vrai qu'il y a l'amour. Mais là, c'est quand même sur la fin d'un amour où toute l'illusion a été perdue, donc on a aussi ce côté très sombre et un peu gras d'une haine qui pointe de temps en temps, notamment dans "L'hiver arrive". Les textes étaient beaucoup plus crus avant qu'on ne les retravaille. Je n'arrivais pas à les incarner, c'était trop vulgaire, même si je pensais autant de mal que ça de toute cette histoire. Je pense que la nostalgie que tu as pu voir, c'est surtout cette haine qui a été un peu tranquillisée.

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Sur le plan musical, c'est difficile de te mettre dans une case... Dans quelle case tu te mettrais toi ? C'est qui tes idoles ?

Il faut évidemment se donner une vision pour voir un peu où on va. Pour l'instant, les gens qui m'inspirent ne sont pas du tout ce que tu peux vraiment écouter dans ma musique. L'objectif à terme, c'est d'aller dans la direction des gens qui m'inspirent pour avoir vraiment la sueur de ces créateurs-là dans ce que je fais. En ce moment, j'essaie à fond de travailler sur des choses plus folk comme Aldous Harding ou les Magnetic Fields. Puis il y a un autre côté plus pop ou néo-soul qui est davantage à la mode comme Daniel Caesar ou bien Ariana Grande, dont le dernier album est vraiment bien. Je t'avoue que l'écart est assez grand entre la folk et la pop néo-soul, mais on va bien arriver à trouver un truc [rires].

Crédit photo : Charly Gosp