Disponible gratuitement depuis peu sur France.tv Slash, Derby Girl s'impose comme un immanquable de l'automne. Tout roule comme sur des roulettes dans cette dramédie à la française, entre objet pop délirant et ode à la sororité.
Casque fixé, protège-genoux serrés à bloc. Petit speech pour motiver les troupes. Et c'est parti. Juchées sur leurs patins à roulettes, les Cannibal Licornes s'acharnent pour dominer le track dans l'espoir, un jour, d'être couronnées championnes du pays. Elles, ce sont les héroïnes barrées de Derby Girl, la nouvelle production bleu-blanc-rouge de la plateforme France.tv Slash. Cocréée par Nikola Lange et Charlotte Vecchiet, cette série nous ouvre les portes d'un univers méconnu dans l'Hexagone : le roller derby.
Trucages et entraînements
L'histoire de Derby Girl, c'est avant tout celle de Lola Bouvier (brillamment incarnée par Chloé Jouannet, aperçue dans Infidèle). Désavouée par tout le milieu du patinage artistique après un incident à la Tonya Harding, cette ex-athlète sur le déclin s'ennuie. Il faut la comprendre : à Mézières, entre son job peu stimulant dans un pseudo-Décathlon et le quartier pavillonnaire mortifère où elle vit avec son père, il ne se passe strictement rien. Puis, Lola apprend l'existence du roller derby, un sport collectif underground sur patins à roulette, où elle compte bien exceller. Mais avant ça, il faudra tisser des liens avec ses nouvelles coéquipières, les Cannibal Licornes donc, réputées comme de bien médiocres compétitrices.
Bien qu'un tantinet popularisé par Bliss – un film réalisé par Drew Barrymore datant de 2009 –, le roller derby reste une discipline sportive obscure. "Les règles sont éminemment complexes, assure Nikola Lange. Même les joueuses entre elles ne sont pas toujours d'accord sur les règles". Mais la première directive non négociable à suivre : savoir faire du patin à roulettes. Un prérequis pas toujours évident.
"Certaines faisaient déjà du roller mais on a du pas mal triché, confie le co-créateur de la série. Pour moi, ça a été le point difficile car je n'ai pas pu les entraîner comme je l'aurais voulu. On est loin de la préparation de Will Smith pour Mohamed Ali mais elles ont pratiqué, elles ont suivi des cours. Il y a quand même eu des triches de mise en scène ou des doublures". Les scènes d'affrontements sur la piste n'en demeurent pas moins captivantes. Mais si l'on reste les yeux rivés devant cette première saison épatante de Derby Girl, c'est avant tout pour ses personnages hauts en couleur et son humour à la fois potache et décalé.
Une modernité qui fait du bien
Dans la série, ces amazones sur patins ne font pas dans la dentelle. Elles parlent comme elles pensent, ont le juron facile et ne changeront pour personne. Au-delà de Lola (qui est en partie inspirée du mégalomane loser dans Kenny Powers), ses coéquipières ne passent pas inaperçues. Avec une mention spéciale pour Absinthe Ni Touche, la gothique non-binaire au flegme légendaire, mais aussi Mother Blocker, la fumeuse de joints bie très nature-peinture. Car oui, Derby Girl est une œuvre inclusive et surtout progressiste.
Au fil des dix épisodes de cette saison inaugurale, les patineuses de Derby Girl passent haut la main le test de Bechdel – dans leur quotidien, les hommes passent après. Mieux encore, la série ne met pas du tout l'accent sur les relations amoureuses mais privilégie d'autres valeurs comme la sororité et l'amitié. "Je voulais faire une sorte d'anti-Plan Cœur en fait, garantit Nikola Lange. Le roller derby est un des rares sports où l'on parle de roller derby masculin quand il s'agit de mecs, contrairement à toutes les autres disciplines".
"En suivant cette idée-là, je tenais aussi à renverser quelques codes traditionnels de la fiction", continue le réalisateur. Comme avec Mickaël, le collègue candide un peu gênant de Lola qui en pince sérieusement pour elle. Un personnage de "potiche", trop fréquemment conjugué au féminin. Mais dans Derby Girl, si l'on décèle quelques poncifs çà et là, ils ne sont basés à aucun moment sur le genre. "Ma volonté, c'était de montrer qu'il n'y a pas d'archétypes entre les genres et qu'on peut être un homme de bien des façons et une femme de bien des façons aussi", conclut Nikola Lange. Une approche scénaristique ô combien rafraîchissante, à une heure où les séries françaises peinent à faire peau neuve. C'est un début.
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En tout cas, Derby Girl est une série indéniablement en accord avec son époque, qui parvient à allier développement narratif intelligent et humour aussi absurde que référencé. Alors que le confinement 2.0 guette notre Hexagone, il est plus que jamais l'occasion de binge-watcher cette fiction qui redonne (un peu) foi en l'audiovisuel français. Vous n'aurez jamais autant eu envie d'investir dans des patins.
Derby Girl est disponible en intégralité sur France.tv Slash.
Crédit photo : France.tv Slash