Mylène FarmerOui, l'œuvre de Mylène Farmer est queer. La preuve en huit chansons

Par Adrien Naselli le 08/12/2020
Mylène Farmer

Entre ceux qui aiment Mylène Farmer et les autres, c’est presque une guerre de religion. Pourtant, il y a des raisons factuelles d’apprécier Mylène Farmer quand on est LGBT+. Petit tour d’horizon des moments les plus LGBT-friendly de sa carrière, dans ses textes, ses clips ou sur scène.

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C'est la plus grande icône française. La seule qui peut remplir 9 fois une salle de concert de 30.000 places. Et c'est aussi la chanteuse qui compterait le plus grand nombre de personnes LGBT+ parmi ses fans. Elle a évidemment ses détracteurs au sein de la communauté. Pourtant, depuis ses débuts, Mylène Farmer a toujours mis en avant une certaine fluidité de genre, chanté les relations homosexuelles, et parlé de sexualité sans tabou. Retour sur les moments les plus queer-friendly de sa carrière, alors qu'elle fait la Une du numéro 225 de TÊTU, disponible le 9 décembre en kiosque.

 

« Elle a dit », un hymne lesbien

Si la chanteuse affectionne les textes à double-sens, voire carrément hermétiques, ce n’est pas le cas d’ « Elle a dit » qui parle de manière très limpide d’un coming out lesbien.

Jamais sortie en single, cette chanson est pourtant bien mise en valeur puisqu’elle ouvre l’album Monkey me, sorti en 2012. Seuls les fans qui peuvent réciter la tracklist de ses albums par cœur la connaissent… mais elle gagne à être connue ! Voyez plutôt :

« Et elle n'en a plus rien à faire

Mais quoi qu'elle en dise

Elle aime une fille

Elle se sent au bord du rebord

 

Elle a dit qu'elle aime

Elle a dit aussi le monde est tel

Que l'on fuit le bruit et les sarcasmes

Elle aimait sa vie

Et c'est son charme »

 

« Que mon cœur lâche » en backroom

Après le succès retentissant de son album L’Autre… avec le tube « Désenchantée », Farmer sort une chanson inédite en 1992 : « Que mon cœur lâche », accompagnée d’un clip réalisé par Luc Besson, déjanté et beaucoup moins sombre que tous les précédents.

Dans le clip, Dieu, représenté en patriarche genre chef d’entreprise, appelle Mylène qui joue le rôle d’un ange : « Je voudrais que vous descendiez sur Terre. J’ai l’impression qu’ils ont gâché cette chose belle et simple que j’ai appelée : l’amour. » Farmer acquiesce, tandis que Jésus se rebelle : « Père, pourquoi ne pas m’envoyer ? – La dernière fois, ça a été un désastre », lui répond Dieu.

Nous suivons donc l’ange roux envoyé sur Terre qui tente de régler les problèmes de cœur et de libido des humains ; elle aide une femme battue à rendre les coups à son agresseur, offre à un papi dépressif une performance de danseur musclé, et surtout finit par pénétrer dans une boîte à cul (appelée… « Q ») où elle rencontre une faune de personnages queers qui n’ont pas l’air d’avoir bu que de l’eau.

Cette chanson fait également référence au sida, avec le préservatif qui s’ « insinue dans nos amours » : 

« Amour poison

Collision

La peur s'abat

Sur nos ébats

 

Toi entre nous

Caoutchouc

Tu t'insinues

Dans nos amours »

 

« Libertine » ou courtisan ?

C’est le clip qui fit connaitre Farmer en 1986. Le personnage de Libertine est à la fois une « catin » et un courtisan qui peut s’asseoir à table avec ces messieurs, habillé en homme. Quand le personnage joué par Mylène décide d’aller prendre du bon temps avec le brun ténébreux qui l’observe à l’autre bout de la salle, est-ce le garçon ou la fille qui est dragué.e ? 

Libertine se bat d’ailleurs dans un duel à mort avec un homme. Dans  le clip de « Pourvu qu’elles soient douces », la suite de « Libertine », cette confusion des genres est bien soulignée. Le petit soldat qui découvre le corps inerte de Mylène Farmer débat avec son supérieur :

« Ce garçon devait être beau

 – C’est une fille ! 

– Non, c’est un garçon ! 

– Non, c’est une fille ! Regarde ses mains, elles sont si douces. 

– Pas plus que les tiennes. 

[Libertine se réveille] 

– Il est vivant ! 

– Oh mon Dieu, elle est vivante ! »

 

Un manuel de sodomie ?

Le texte de « Pourvu qu’elles soient douces » éclaire ce titre mystérieux. Il devient évident que ce pronom féminin, « elles », réfère aux fesses :

« Ton Kamasutra

A bien cent ans d’âge

Mon Dieu que c’est démodé

Le nec plus ultra

En ce paysage

C’est d’aimer les deux côtés

[…]

Prose ou poésie

Tout n’est que prétexte

Pas la peine de t’excuser

Muse ou égérie

Mes petites fesses

Ne cessent de t’inspirer »

Farmer se moque de son interlocuteur en bouleversant ses pratiques sexuelles : « aimer les deux côtés » semble assez clairement désigner la sodomie… Dans le refrain, son amant est décrit comme un homme obsédé par les fesses. Et pas que celles de Mylène : celle du « poète » aussi ! 

« Tu t’entêtes à te foutre de tout

Mais pourvu qu’elles soient douces

D’un poète tu n’as que la lune en tête

De mes rondeurs tu es K.O. ! » 

 

« Dégénération », grosse partouze

En 2008, pour lancer son album Point de suture, Mylène Farmer nous régale avec un clip digne d'un film de science-fiction : elle joue une créature qui se fait kidnapper par une sorte de police totalitaire. Sur le point d’être décortiquée dans un bloc opératoire par une horde de chirurgiens inquiétants, elle utilise son pouvoir aphrodisiaque pour que tout le monde (infirmières, médecins et militaires confondus) se mette à se caresser dans une partouze gigantesque. Avec des gros plans sur des pelles entre militaires.

 

« N’oublie pas », duo avec LP

Mylène Farmer s’associe l’artiste lesbienne LP, auteure du tube « Lost on you », pour une chanson pop de son dernier disque, Désobéissance. Dans le clip, LP et Mylène semblent être deux sœurs qui se retrouvent. A moins qu’elles ne soient d’anciennes amantes ?

 

« Maman a tort », coming out enfantin 

Sa première chanson, il y a bientôt 40 ans (1984), s’appelle « Maman a tort. » Elle est l’une des seules qui ne soit pas de sa plume mais de celle de Laurent Boutonnat. Cette petite comptine, un brin perverse, propulse en tout cas directement Mylène Farmer comme une icône lesbienne.

« J'aime ce qu'on m'interdit

Les plaisirs impolis

J'aime quand elle me sourit

J'aime l'infirmière maman »

 

« Sans contrefaçon », évidemment

On connait la chanson par cœur, qui évoque l’orientation sexuelle et l’identité de genre de bien des manières. A commencer par ce premier couplet : 

« Tout seul dans mon placard

Les yeux cernés de noir

A l'abri des regards

Je défie le hasard

Dans ce monde qui n'a ni queue ni tête

Je n'en fais qu'à ma tête

Un mouchoir au creux du pantalon

Je suis chevalier d'Eon »

On note évidemment le « placard » et la référence au chevalier d’Eon, qui réussit à se faire considérer comme une femme par la cour de Louis XVI… déclenchant l’un des débats les plus enflammés de l’Histoire sur l’identité de genre.

Dans ce clip de son comparse Laurent Boutonnat, Farmer apparaît sous les traits d’un pantin de bois. Pinocchio et son maître sont chassés sous la pluie d’un cabaret transformiste perdu dans un village plutôt glauque. Une sorcière, jouée par l’humoriste Zouc, kidnappe le pantin pour lui donner vie…

La version live la plus marquante de la chanson demeure celle de la tournée 1996, durant laquelle tous les danseurs sont des drag queens montées sur plateform shoes de 50 centimètres, tandis que Mylène arbore de son côté un simple kimono.