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musiqueÀ la découverte de Joseph Schiano di Lombo, le pianiste touche-à-tout qui adore (re)créer

Par Florian Ques le 17/12/2020
joseph schiano di lombo

Repéré par la Toile grâce à ses reprises version classique de Mylène Farmer, ce jeune artiste aux multiples casquettes planche sur un disque de compositions originales… destinées à nos amis, les chiens. Un concept qu'il nous explique.

Difficile de faire plus polyvalent que Joseph Schiano di Lombo. Car bien qu'on le définisse presque instinctivement comme pianiste, ses aptitudes sont plurielles. Il dessine, il écrit, il compose. Ses productions se suivent mais ne se ressemblent pas. Un constat avéré à travers son futur projet printanier, Musique de Niche. Derrière ce nom astucieux, un disque de compositions originales conçues pour nos amis canidés – en hommage, surtout, au labrador femelle qui l'a accompagné au gré de son enfance. "J'avais eu cette idée de musiques pour golden retrievers et ça m'a fait vachement rire", explique-t-il.

En attendant une date de parution pour cet album atypique, son concepteur révèle "Caresses (Always Too Short)". Un premier extrait convaincant, sublimé par un clip signé Alice Moitié… qui a décidément du chien – pardon, c'était trop tentant. "Les compositions sont venues hors cadre, détaille Joseph lorsqu'on s'entretient avec lui. J'ai écrit de la musique et certains styles ne correspondaient pas du tout. D'autres se sont imposés comme des évidences : c'était ça, la musique pour chiens que j'avais projetée".

Mylène, classique et formation

Mais avant de se dévouer à ce projet aux allures canines, Joseph Schiano di Lombo s'est fait remarquer par de nombreux internautes au fil de cette année 2020. Les fidèles de Mylène Farmer ont ainsi pu régaler leurs oreilles avec ses versions revisitées de "Sans contrefaçon". "L'idée de faire des reprises m'est venue d'Instagram quand je me faisais un peu chier, nous confie-t-il. Au début, j'étais parti sur "Désenchantée". J'ai travaillé plusieurs semaines dessus mais parfois, ça ne prend pas". Il s'est alors replié sur l'autre titre mémorable de l'icône, envisageant deux moutures bien différentes : l'une évoquant Satie, l'autre Debussy. "J'ai essayé de mixer des mondes qui ne se rencontrent pas", nous affirme volontiers le pianiste.

Ses références en matière de musique classique remontent à son enfance passée en terres savoyardes. Si ses parents écoutaient plutôt Jean-Jacques Goldman et Véronique Sanson – "que j'aime beaucoup aussi", précise-t-il –, Joseph préfère se façonner une culture à part. "J'avais ce petit côté snob, je voulais à tout prix connaître ce que mes parents ne connaissaient pas, évoque l'artiste. Je n'étais pas forcément en lutte contre mes parents, mais c'était plutôt comme un défi, en plus d'une fascination esthétique que je ne pourrais pas trop expliquer". Fascination qui l'amène à poursuivre des études dédiées.

À la découverte de Joseph Schiano di Lombo, le pianiste touche-à-tout qui adore (re)créer
Crédit photo : Rebekah Deubner

Bien qu'il ait commencé très tôt le dessin et la musique en autodidacte, il intègre la Cité des arts, un établissement pluridisciplinaire situé à Chambéry. Dans la suite logique des choses, Joseph Schiano di Lombo entreprend un cursus complet à l’École nationale supérieure des Arts décoratifs de Paris. Là-bas, il y peaufine sa technique mais aussi sa démarche artistique. "Mon diplôme parlait de l'emprunt, du fait qu'on est tous des co-créateurs plus que des créateurs démiurgiques, défend-il. Ce qui me touche plus, c'est d'assumer les influences de façon explicite, voire même de les travailler au corps à corps".

Un roman dans les tuyaux

Véritable touche-à-tout, Joseph Schiano di Lombo semble trouver de l'inspiration dans une infinité de choses. Mais selon lui, son homosexualité n'en fait pas partie et ne rentre jamais en ligne de compte lors de son processus créatif. "Je ne pense pas que ma sexualité raconte grand-chose sur le plan artistique, avance le pianiste. Je ne mélange pas tout. Peut-être qu'effectivement, du fait de mes explorations privées et de ma sexualité, je ne suis pas engoncé dans l'étau de l'hétérosexualité très normée. Mais je ne pense pas qu'il y ait de vrai lien, ce n'est pas quelque chose que je revendique en tout cas".

Là où beaucoup ont souffert d'une productivité en chute libre durant cette année singulière, ce n'est pas tout à fait le cas de Joseph. Il s'est d'ailleurs servi du premier confinement pour bosser sur Musique de Niche ainsi que sur un premier roman. "C'est un projet encore différent, même si les animaux prennent là encore une place importante par rapport aux humains pour la simple et bonne raison qu'il n'y en a pas", explique-t-il. Il s'agira d'un polar, en collaboration avec la graphiste française Fanette Mellier.

"Je me suis posé une question : est-ce que le polar peut survivre quand aucun personnage ne se pointe ?, tease-t-il. Il n'y a pas spécialement d'intrigue dans ce roman. Je me suis surtout intéressé à la façon dont le polar peut quand même garder un peu de sa forme, un peu de sa dignité dans ce climat-là". Une projet expérimental qui ne risque pas d'être le dernier. À 29 ans, Joseph Schiano di Lombo cumule des vagabondages artistiques toujours plus déroutants. Un profil curieux, à suivre de près.

Crédit photo : Marion Berrin