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musiqueVartang, le phénomène français qui fait sauter les frontières du style et de la pop

Exister hors des clous, c'est un peu le credo de Vartang. Depuis ses débuts fin 2019, le chanteur parisien déploie une proposition musicale qui désarçonne, en constante évolution. Ses titres traversent les genres, à tel point qu'ils s'apparentent à un melting-pot d'influences qu'on aurait sans doute tort de catégoriser. À vrai dire, même le principal…

Crédit photo : Annabelle Gatti Pierrini

Exister hors des clous, c'est un peu le credo de Vartang. Depuis ses débuts fin 2019, le chanteur parisien déploie une proposition musicale qui désarçonne, en constante évolution. Ses titres traversent les genres, à tel point qu'ils s'apparentent à un melting-pot d'influences qu'on aurait sans doute tort de catégoriser. À vrai dire, même le principal concerné a du mal. "Je dirais que je fais de la pop urbaine et dark, devine-t-il. Même si, en vérité, je vais piocher un peu partout. J'ai grandi avec Britney Spears et le Blonde Ambition Tour de Madonna avant d'écouter beaucoup de R'n'B et de rap. Et comme j'ai grandi en Martinique, j'ai aussi été influencé par pas mal de musiques caribéennes comme le dancehall, le ragga ou le reggae".

Mais avant de nous ébahir avec des morceaux dépaysants comme "La Bête", Vartang poursuit une formation plus académique sur son île natale. Il a d'abord dû faire une croix sur la danse classique. "Je me suis rendu compte que ce n'était pas fait pour moi quand j'ai fait une petite crise lors du spectacle de fin d'année, nous raconte-t-il. Toutes les filles avaient un tutu et moi, je devais mettre un justaucorps. Donc j'ai dit 'i quit'". Sa mère l'inscrit au solfège et il entame des cours de piano. Il est alors âgé de 5 ans. Une dizaine d'années plus tard, c'est terminé. "J'en avais ras-le-bol, explique-t-il. Ça n'était plus un plaisir pour moi, ça devenait trop technique".

Par chance, son blocage n'est que de courte durée. "J'avais juste envie de m'amuser et d'exprimer des choses, soutient le musicien. C'est là que j'ai commencé à composer mes propres morceaux, car mes grands-parents m'avaient offert mon premier clavier quand j'avais environ 14 ans". Depuis, il ne bride plus sa créativité. Quant au projet Vartang, il naît en 2017. Sans qu'aucune musique ne sorte du studio d'enregistrement. L'idée, c'est avant tout de bien cerner l'identité qu'il veut dévoiler au monde. Et pour ça, il s'agit notamment de se dénicher un nom de scène.

"J'ai mis du temps à trouver comment je voulais m'appeler en tant qu'artiste, évoque le chanteur. J'avais envie d'avoir cette dualité entre quelque chose de glamour et de très violent". Au gré de sa réflexion, il pense à sa fascination pour Sylvie Vartan, qu'il décrit comme "l'icône glamour française et intemporelle". Pour pour le côté dark, il songe à son film d'horreur fétiche, Carrie au bal du diable de Brian De Palma avec sa fameuse scène où le personnage se retrouve couvert de sang. De par la fusion de ces deux univers adverses, l'artiste trouve comment désigner son alter ego : "Je me suis dit que Sylvie Vartan couverte de sang, ça donnait Vartang".

À travers les quelques sons parus sur son EP intitulé La Bête, Vartang fait état d'une polyvalence admirable. Il alterne entre flow effréné et envolées lyriques. Il mise sur un parler soutenu mais cru, tout en distillant des mots d'argot et autres anglicismes çà et là. Autrement dit, il s'éclate. "J'ai envie que ce soit pur en termes d'émotion, soutient-il. Je ne veux pas faire quelque chose de fabriqué. J'ai l'impression qu'aujourd'hui, tout doit vraiment correspondre à un cahier des charges. Et moi, j'avais vraiment envie de créer un espace de liberté où on peut tout oser, tout dire". Sans surprise donc, vendre un projet comme Vartang devient vite épineux.

"C'est compliqué, reconnaît l'artiste. On ne peut pas forcément me mettre dans une case et il n'y a donc pas forcément de marché qui existe pour ma musique car personne ne le propose. Sortir du moule n'est pas toujours bien vu car les gens ont besoin de te situer, de te coller une étiquette. Quand tu essaies de casser les codes, ça dérange". Cependant, Vartang se réjouit de voir que sa musique ne laisse pas indifférents ceux qui ont pu tendre l'oreille. "Les commentaires sur YouTube sont très segmentés : soit les gens adorent, soit ils détestent, avoue-t-il. En tout cas, ça fait parler. J'ai envie de faire quelque chose qui puisse susciter des réactions".

Ce rejet absolu des étiquettes se répercute aussi dans sa vie privée. "Je suis un peu contre le fait de vouloir à tout prix se définir, soutient Vartang. Se mettre des étiquettes, c'est se limiter. Je ne veux pas que les gens me définissent comme moi j'aurais envie de me définir. Je pars du principe que je propose et c'est aux gens de se l'approprier ensuite". Cependant, il reconnaît trouver sa place au sein de la communauté LGBTQI+. "Ça fait partie de mon univers, de mon entourage, de ma musique, détaille-t-il. Ça fait partie de qui je suis, en fait, tout simplement".

D'ailleurs, sa toute première prestation scénique s'est déroulée dans un spot bien connu du milieu gay de la capitale : le Dépôt. "Je trouve que ça rejoint un peu ma démarche, annonce le chanteur. Dans le sens où le Dépôt peut avoir cette image négative, même au sein de la communauté LGBT, mais reste malgré tout un lieu iconique de la nuit parisienne. J'aime bien ces choses qui peuvent avoir un côté ambivalent". Il s'agit, aussi, de valoriser les identités auxquelles il appartient. "J'ai envie de collaborer avec des gens qui me ressemblent, continue-t-il. Dans le clip de 'La Bête', j'ai deux danseuses avec moi qui sont un peu comme des anges gardiens. Pour moi, c'était évident que ça devait être des femmes noires car j'ai grandi en Martinique au milieu de beaucoup de tantes, de cousines".

Malgré une année 2021 qui rime avec incertitude, Vartang a plusieurs projets dans le viseur. À commencer par des titres inédits. "J'ai déjà un deuxième EP qui est quasiment finalisé, nous avertit-il. Et dans les prochains mois, je compte bosser sur de nouveaux clips et sur de la promo". En prime, il conserve son objectif premier et précise vouloir prendre son temps. "J'aimerais idéalement ne bosser que dans la musique, dit-il, mentionnant son job parallèle dans la communication. Je suis artiste indépendant. J'ai besoin de travailler pour pouvoir financer ce que je fais. Mais pour l'instant, je dirais que je suis au bon endroit au bon moment". Bien dit !

Par Florian Ques le 03/02/2021