cinémaQueer Cannes, jour 3 : nos désirs font désordre

Par Franck Finance-Madureira le 09/07/2021
Cannes

Chaque jour, TÊTU vous emmène à la rencontre des films et des personnalités queers qui font le festival de Cannes.

Troisième jour de festival à Cannes et les débats critiques reprennent leurs droits dans chaque recoin de la Croisette, à chaque table de bistro un minimum ombragée où les festivaliers se désaltèrent en bande les yeux rivés sur leur téléphone, outil indispensable qui sert cette année de ticket et de pass sanitaire pour entrer dans les salles. Une fois au frais dans les salles du Palais des festivals ou des sélections parallèles, c’est parti pour des émotions inédites, puissantes et dérangeantes.

C’est le cas du film autrichien Great Freedom qui décrit avec précision, acuité et un vrai sens de la mise en scène la vie carcérale de Hans Hoffman. Un jour sans fin dans un monde légèrement dystopique pour ce rescapé des camps de la mort à la fin de la deuxième guerre mondiale qui est emprisonné aussitôt pour homosexualité et fréquentation assidue de lieux de débauche entre hommes, les fameuses tasses qui ouvrent le film. En jouant avec tous les codes du film de prison, en les tordant ou les poussant à l’extrême, le réalisateur Sebastian Meise crée un cadre strict et intemporel pour déployer un récit simple qui mêle affirmation de soi, aliénation et empathie au travers d’histoires d’amour, de désir et d’amitié particulière dans une sorte de boucle temporelle inextricable. Saisissant.

Sentiments confus

Autre histoire inédite, autre regard singulier, Petite Nature de Samuel Theis se concentre sur le désir d’un enfant. On se souvient de cette scène fugace mais incroyablement forte et marquante du Douleur et Gloire de Pedro Almodovar dans laquelle un enfant (Pedro jeune) collapsait de désir pour le jeune peintre qui se douchait nu devant lui. Samuel Theis (qui avait réalisé en trio Party Girl, Caméra d’or 2014 avec Marie Amachoukeli et Claire Burger) s’inscrit dans cette belle intensité pour traiter de ce thème complexe, tout en retrouvant ses racines, la Lorraine et les cités HLM. Sans jamais une once de misérabilisme, il suit la trajectoire de Johnny, un petit garçon de 10 ans aux cheveux longs et aux rêves d’ailleurs, qui va projeter ses sentiments confus sur son nouvel instituteur.

Face à un très jeune comédien impressionnant (La découverte Aliocha Reinert dans le rôle de Johnny) et à une actrice non-professionnelle époustouflante (Mélissa Olexa qui joue la mère de l’enfant), Antoine Reinartz, découvert en président d’Act Up-Paris dans 120 battements par minute, campe cet instit doux et éloquent et prouve, une fois de plus qu’il est un comédien tout terrain tout simplement extraordinaire. A l’écoute de ses personnages, au plus proche de leurs émotions, Samuel Theis réalise un film sincère, à la fois brut et délicat, sensible et déchirant, d’une beauté et d’une intelligence émotionnelle qui forcent le respect.