cinémaQueer Cannes, jour 4 : "Benedetta" et "La Fracture", le match

Par Franck Finance-Madureira le 10/07/2021
Cannes

Chaque jour, TÊTU vous emmène à la rencontre des films et des personnalités queers qui font le festival de Cannes.

Alors que les rumeurs autour du Covid et de nouvelles mesures sanitaires gonflent autant que les pieds rougis et meurtris des festivaliers (cluster ? jauges ? fin des fêtes ?), la compétition continue à Cannes avec hier un film très attendu qui a un peu déçu et un autre plus discret qui a fait son petit effet.

Le premier d’abord, c’est le très attendu Benedetta de Paul Verhoeven sorti en salles dans la foulée. Le réalisateur de Basic Instinct, de Showgirls et de Elle, raconte le destin d’une religieuse qui vit sa relation à Dieu de façon plus que charnelle. En relation intense et mystique avec Jésus, Benedetta (Virginie Efira, engagée) va découvrir les plaisirs du corps aux côtés de Bartolomea (Daphné Patakia, extraordinaire de modernité) dans le village de Pescia en pleine épidémie de peste. Comme à son habitude, Verhoeven se fait un malin plaisir de surfer entre les genres (le film de nonnes lesbiennes, le nanar italien seventies, le brûlot auteuriste anti-clérical, entre autres) et les degrés pour livrer une œuvre au grotesque assumé qui reste passionnante sur les questionnements liés aux points de vue (les fameux « gaze ») et ce qu’elle dit de la sexualité des femmes vue par les hommes et les dogmes comme une menace permanente. C’est souvent too much mais jamais idiot et plutôt jouissif puisque sans entrave. 

Mais le vrai coup de chaud hier soir, c’était le nouveau film de Catherine Corsini après La Belle saison sur le féminisme des années 70 et Un Amour impossible adapté de Christine Angot.  Dans La Fracture, elle met en scène un couple de femmes (génial duo Bruni-Tedeschi/Foïs) en situation de rupture (permanente), un chauffeur gilet jaune en lutte (Marmaï nickel) et une infirmière débordée dans un lieu hautement symbolique, l’hôpital. Le film est un concentré d’énergie, de drôlerie et d’humanité. C’est aussi un film éminemment politique sur les ruptures en tout genres auxquelles fait face la société française actuelle. On en ressort bousculé, après avoir rit et pleuré, grâce à un scénario qui ose la profusion de confrontations idéologiques du quotidien, de gags désespérés et d’écroulement progressif des idées reçues. Un véritable tourbillon qui doit beaucoup à l’engagement intime de la cinéaste dans ses personnages, à sa radicalité, à la dextérité de son filmage et à la façon qu’elle a d’assumer sa « situation », la position d’où elle raconte. Libé déteste, c’est bon signe…