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livreVacances lecture : quelques livres queers à mettre dans votre valise cet été

Par Cy Lecerf-Maulpoix le 13/07/2022
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Autofiction poétique lesbienne, roman SF queer, roman d’apprentissage gay 2.0, chronique politique ou fresque sociale haute en couleur, voici une sélection estivale de romans LGBTQI à dévorer pendant vos vacances. 

Insolations, de Meryem Alqamar

"J’ai longtemps hésité avant de vous écrire. Et puis j’ai failli mourir alors l’hésitation, dans ce qu’elle m’évoque de lent et de souffle court, ne me paraît plus envisageable."

La jeune Meryem, à défaut de pouvoir le dire à voix haute, rédige des mails à sa psy pour pour ne plus mourir, pour ne plus rien étouffer. Au fil de l’écriture de ses séances, se raconte alors une quête urgente, celle d’impulser un rythme et une langue poétique susceptibles de la libérer de violences passées, de panser les déchirements d’une histoire familiale partagée entre l’Algérie et son quotidien français mais aussi de se saisir de son amour pour une femme plus âgée. La jeune autrice signe là un premier roman bouleversant.

>> Insolations, de Meryem Alqamar, aux éditions du Commun, 12 euros

La Montagne aux licornes, de Michael Bishop

Récemment diagnostiqué séropositif, Bo Gavin se rend dans le Colorado, dans le ranch de sa cousine Libby Bray pour y vivre ses derniers jours en paix (dans les années 80). Il y découvre l’existence de licornes habitant les hauteurs de la montagne. Alors qu’une étrange maladie affectant la santé des licornes se répand, Sam, un Amérindien de la tribu des Ute en charge du ranch, et sa fille, sont confrontés à d’étranges phénomènes.

Écrit en 88 en pleine épidémie de sida par l’auteur américain Michael Bishop, ce roman est traduit pour la première fois par les éditions Les Moutons électriques. Encore trop méconnu, ce conte humaniste, plus proche du réalisme magique que de la SF, est à (re)découvrir de toute urgence.

>> La Montagne aux licornes, de Michael Bishop, éditions Les Moutons électriques, 24 euros

L’homme empêché, de Samuel Loutaty

Après la naissance de son fils, Sam, jeune journaliste parisien épanoui dans son mariage avec sa femme Mina, s’autorise enfin à explorer ses désirs homosexuels. C’est le début d’une double vie. Des premiers chats à ses rencontres avec des hommes à Paris, son équilibre se voit progressivement bouleversé pour le meilleur et pour le pire. Chronique de l’évolution des technologies de drague entre hommes, roman d’apprentissage tantôt mélancolique tantôt drolatique, d’aventures affectives et sexuelles, ce premier roman hardi retrace également l’histoire d’une reconstruction et d’une libération : celle du sentiment amoureux. 

>> L’homme empêché, de Samuel Loutaty, éditions Philippe Rey, 20 euros. 

Intolérable, Mémoires des extrêmes, de Kamal Al-Solaylee

Traduit pour la première fois en français, ce roman autobiographique de Kamal Al-Solaylee, journaliste et auteur gay yéménite émigré au Canada dans les années 90, est l’histoire de trajectoires croisées. La famille bourgeoise des Al-Solaylee prospère sous le protectorat britannique et se voit contrainte de fuir le pays avec l’arrivée au pouvoir des socialistes révolutionnaires à la fin des années 60. De Beyrouth au Caire avant un ultime retour dans un Yémen à l’aube d’une guerre civile, les Al Solaylee connaissent progressivement une lente déchéance sociale. Alors que le jeune Kamal s’éloigne pour se construire une vie d’homosexuel à Londres puis au Canada, sa famille embrasse progressivement des valeurs de plus en plus conservatrices. Chronique politique et sociale d’un Moyen-Orient traversé par les guerres, les conflits politiques et religieux et les révoltes des printemps arabes, cette autobiographie est le récit poignant d’un déchirement intime et collectif, d’une tentative de maintenir coûte que coûte un lien avec un monde en ruine. 

>> Intolérable, Mémoires des extrêmes, de Kamal Al-Solaylee, éditions Perspective Cavalière, 22 euros

Valide, de Chris Bergeron

Croisement singulier entre l’autofiction et le thriller de science-fiction, l’autrice québécoise Chris Bergeron livre avec Valide un échange haletant entre Chris-tian/telle confiné·e dans un futur proche et une intelligence artificielle du nom de Total David. Progressivement, le récit sensible de la transition de Chris, de sa quête de reconnaissance dans un passé mâtiné d’allusions à notre présent contemporain sombre dans un univers dystopique et totalitaire. Fresque sans concession des puissances mortifères du capitalisme technologique et de l’écrasement des personnes LGBTQI, un premier roman réussi et palpitant.

>> Valide, de Chris Bergeron, éditions Philippe Rey, 18 euros

Pleines de Grâce, de Gabriela Cabezón Cámara

Les histoires courtes sont parfois les meilleures. C’est le cas du roman de l’autrice argentine Gabriela Cabezon Cámara (premier texte du triptyque Les Aventures de China Iron et Tu as le visage de Dieu, Romance de la noire blonde). Réfugiées à Miami, Qüity, ex-journaliste mélancolique tombée amoureuse de la figure gracieuse et lumineuse de Cleo, "sainte travestie", dévote mère des rejeté·es, ex-prostituée du bidonville d’El Poso, se remémorent les conditions de leur rencontre à Buenos Aires. De leur tentative de transformer le bidonville en une communauté autonome de marginaux jusqu’à leur fuite pour échapper aux foudres ultraviolentes de la pègre et du pouvoir local, une histoire d’amour et de résistance queer émouvante tracée à grand renfort d’humour et de folie caustique.

>> Pleines de Grâce, de Gabriela Cabezón Cámara, éditions 10/18 poche, 7,10 euros

Colza, d'Alice Baylac

C’est l’histoire de Colza, ainsi (re)nommée. Ses premiers balbutiements affectifs et sa découverte de sa propre "puissance gouine". C’est l’histoire d’une adolescente qui serpente non sans difficulté le long des assignations de genre transmises par la société, qui apprend chaotique et frémissante l’amour et le sexe, la multiplicité du désir. C’est l’histoire d’une jeune adulte en quête de sens, d’une "nouvelle puberté, choisie et désirée" cette fois, qui s’initie aux codes et aux mondes lesbiens. Entrecoupé de mythologies saphiques revisitées par l’autrice, ce très beau roman-poème est une ode vibrante à l’érotisme et à l’éco-sensualité. À lire à voix haute, seul·e ou accompagné·e, un soir d’été.

>> Colza, d'Alice Baylac, éditions Blast, 14 euros

Le régime parfait, d'Estelle Benazet Heugenhauser

"Le sang des garçons se transformera en soupe, la soupe irriguera le sang des garçons. Le sang des hommes n’existera plus, les cerveaux des hommes n’existeront plus. Les garçons seront réduits en bouillie." 

Madame Perez prépare un régime parfait. Du pâté aux myrtilles, une activité physique intense pour les filles et de la soupe pour les garçons. Afin de renverser un régime alimentaire patriarcal dans lequel les filles "n’ont rien à bouffer" pour mieux les dominer, Madame Perez nourrit une révolution qui tarde à venir. Dans sa cuisine, alors que la pluie tombe et qu’une inondation se profile, elle soliloque dans son coin, continue d’organiser le repas, de congeler les aliments avant que les enfants n’arrivent… Parabole philosophique féministe et récit halluciné, un premier roman caustique, cruel et jouissif de l’écrivaine Estelle Benazet Heugenhauser.

>> Le régime parfait, d'Estelle Benazet Heugenhauser, éditions Rotolux, 13 euros

Crédit photo : montage