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livre"Ça ira mieux quand…" La BD féministe qui mêle sociologie, intime et humour

Par Tessa Lanney le 07/10/2022
"Ça ira mieux quand…", de Lucie Lgt

Lucie Lgt a documenté ses réflexions féministes à travers la bande dessinée. Ça ira mieux quand… est un condensé, pas piqué des hannetons, de ses prises de conscience, réflexions et cheminements personnels.

Sur Instagram, Lucie Lgt s'est fait connaître en postant des dessins mêlant anecdotes de la vie quotidienne, réflexions politiques et féminisme. Ce printemps, elle a transformé l'essai en librairie avec Ça ira mieux quand..., bande dessinée éditée par Les Insolentes (Hachette). Engagement militant, intimité, sujets brûlants de société, injonctions, santé mentale, découverte de sa bisexualité, les thèmes abordés sont variés. "Quand tu te politises, tu as l'impression de découvrir la vérité vraie. Du coup, tu as vraiment envie que tout le monde le monde le sache et d'en parler avec qui veut l'entendre", s'amuse-t-elle.

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À l'origine, le compte Instagram duquel sont tirées les planches de Ça ira mieux quand… avait pour simple vocation de donner des nouvelles à ses potes de France lorsqu'elle vivait à l'étranger. Or, explique Lucie, sa création "coïncidait au moment où j'ai commencé à réfléchir et développer mon féminisme. Au fur et à mesure, j'ai abordé des sujets plus directement politiques et moins centrés sur ma petite personne." Aussi la BD ne se contente-t-elle pas de clamer les convictions de son autrice mais retrace également le cheminement de ses réflexions féministes. Si certaines cases ne correspondent plus forcément à ce qu'elle pense, elle a pris le parti de les inclure afin de montrer que "parfois, tu penses quelque chose à un instant T qui s'est révélé déterminant dans la manière dont tu te situes aujourd'hui, même si ta pensée a beaucoup évolué depuis. Un raisonnement, une pensée complexe, ça se construit sur le long terme."

La BD d'une sociologue

Consciente qu'il est rarement bénéfique de "griller les étapes dans notre cheminement", Lucie assume ne pas s'inscrire dans une recherche de perfection, qu'elle rencontre notamment "dans le militantisme sur internet". "On a l'impression qu'il faut absolument signaler lorsque l'on change un tant soi peu d'avis sur le moindre sujet ou quand on atteint une nouvelle étape dans notre réflexion. Je m'inclus totalement dans cette critique, avoue-t-elle, mais je prêche pour l'humilité. Si tu changes ta manière de voir, ça influence forcément ton engagement, ce qui se répercutera sur le collectif." Pour elle qui réalise également une thèse en sociologie, il est "vain de vouloir à tout prix prouver sa pureté militante. Ça repose sur des dynamiques d'autopromotion de soi mais ce n'est pas efficace."

Ça ira mieux quand... rend donc compte de ces questionnements qui nous habitent à mesure que l'on trace notre propre chemin intellectuel. "Ce bouquin n'a pas la prétention d'être un essai pointu de pensées et théories féministes, précise-t-elle. J'avais aussi envie que ça reste un moment léger." C'est notamment ce que lui permet le format BD : "En peu de cases, on ne peut pas rendre compte de 36 nuances, mais la bande dessinée induit une plus grande accessibilité, permet d'être percutante, ludique." Elle se permet d'y citer quelquefois des sociologues afin de creuser un sujet. "Nécessairement, ma thèse de sociologie imprègne ma manière de voir le monde, parfois sans que je m'en rende compte." C'est en parlant de son vécu sous le prisme de la sociologie qu'elle espère approcher une forme d'universel : "Parler de soi, parler des expériences individuelles de manière générale d’ailleurs, c'est aussi parler du monde. C'est le cœur de mon métier de sociologue."

Le féminisme pour voir le monde tel qu'il est

Comme Lucie Lgbt l'affirme dans les cases de sa bande dessinée, "l'intime est politique". C'est ainsi qu'elle partage son intimité à coup d'anecdotes personnelles parfois désopilantes, d'histoires de coeur et de cul, de rencontres, de discussions à la volée… N'hésitant pas à se livrer sans détour, notamment en abordant sa plongée dans les milieux queers et la prise de conscience de sa propre bisexualité. Encore une fois, c'est son engagement féministe qui l'a amenée à s'interroger et à remettre en question ce qu'elle pensait savoir d'elle-même et de ses attirances.

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"J'utilise une métaphore qui présente le féminisme comme une paire de lunettes magiques qui permettent de voir le monde tel qu’il est, tel que la société refuse de le voir et donc d’examiner les relations intimes, notamment hétéro dans mon cas", développe l'autrice. En avançant dans cette déconstruction, elle s'est rendue compte qu'il y avait "très peu de chances, quand tu es dans un couple hétéro, qu’il ne soit pas imprégné par le patriarcat, même si ton mec est formidable, soutient-elle, parce que le jour où il ne sera plus formidable, il aura un système entier derrière lui pour le soutenir alors que toi pas." Si Lucie Lgt n'a pas pour autant tiré un trait sur ses relations hétéros, "fréquenter des meufs queers dans mes cercles féministes m'a amenée à accepter mes attirances non-hétéros, et surtout à accepter de les concrétiser, explique-t-elle. J'ai pris conscience qu'il existait d'autres façons de relationner et que l'hétérosexualité était une norme dont il était possible de s'affranchir."

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Crédit photo : Les Insolentes