disparitionPaul Vecchiali, mort d'une "grande gueule" tutélaire du cinéma d'auteur français

Par Morgan Crochet le 18/01/2023
Paul Vecchiali est mort à l'âge de 92 ans

Figure d'un courant du cinéma français ayant évolué en parallèle à la Nouvelle Vague, le cinéaste Paul Vecchiali est mort ce 17 janvier 2023 à l'âge de 92 ans, emportant avec lui tout un pan de l'histoire du 7e art, et plus particulièrement du cinéma d'auteur gay dont il fut, à son corps défendant, l'un des fondateurs.

Comme Godard, qu'il adulait, Vecchiali est né en 1930, a débuté aux Cahiers du cinéma, a salué le travail de Guiraudie, dont il avait adoré Ce vieux rêve qui bouge pour moi – mais pas l'Inconnu du Lac, que le cinéaste suisse avait pour sa part adoubé. Comme Godard, féru de vidéo depuis les années 1970, Vecchiali avait récemment tourné un film en une seule journée, Bonjour la langue, qu'il s'apprêtait d'ailleurs à sortir en hommage au cinéaste d'Adieu au langage. Comme Godard, il était un historien du cinéma, auquel il avait consacré un ouvrage, L'Encinéclopédie, sur les cinéastes français des années 1930. Et c'est cinq mois après la disparition de l'auteur des Histoire(s) du cinéma que Paul Vecchiali, figure tutélaire d'un certain cinéma d'auteur libre et provocateur, est mort ce mardi 17 janvier à l'âge 92 ans, dans un hôpital du sud de la France, ainsi que l'a annoncé son compagnon, Malik Saad.

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Si sa carrière débute dans les années 1960, c'est en 1974 avec Femme, Femmes, son premier succès – salué par Pasolini, lequel lui empruntera ses deux actrices fétiches, Hélène Surgère et Sonia Saviange, lors du tournage en 1975 de Salo ou les 120 journées de Sodome – que Paul Vecchiali va s'inscrire dans le paysage cinématographique français, auquel il va léguer une cinquantaine de films.

Paul Vecchiali, gay iconoclaste

"Pour moi, l'homosexualité, ça n'existe pas. Un acte homosexuel, oui. Mais sinon, c'est un concours de circonstances", confiait-il à têtu· en 2015. Un concours de circonstances qui aura néanmoins marqué son cinéma, de Encore (Once More), un des préférés de Godard et probablement le premier long-métrage français à avoir traité du sida, en 1988, à Pas…de quartier en 2022, en passant par un film X, un porno gay, Et + si @ff, sorti en 2006.

"Je crois qu'on ne m'a jamais pardonné mon indépendance et ma grande gueule."

Iconoclaste, Vecchiali aura abordé tout au long de sa carrière de plus de soixante ans des thèmes importants, comme la peine de mort, la sexualité des personnes âgées ou encore le bareback, dans Bareback ou la Guerre des sens, sorti en 2005, dédié à Jean-Claude Guiguet et Jean-Claude Biette, dont il avait produit les premiers films avec sa société, Diagonale, créée en 1976. Il fut également producteur exécutif de Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles, de la cinéaste franco-belge Chantal Akermann, en 1975.

Des coups de pouce que lui aura refusé, des dizaines de fois, la commission de l'avance sur recettes du CNC, et qui lui faisait dire à têtu· en 2003 : "Je crois qu'on ne m'a jamais pardonné mon indépendance et ma grande gueule". Pour traverser ces moments difficiles, Vecchiali aura toutefois pu compter sur sa muse, Danielle Darrieux, décédée en 2017, qui interpréta sa mère en 1987 dans En haut des marches. Doyen d'une génération de cinéastes qui aura participé à forger le cinéma actuel, il était la figure de proue, et le dernier en activité, d'une bande de réalisateurs ayant évolué en parallèle à la Nouvelle Vague. Avec sa disparition, un chapitre du cinéma français se clôt, que les cinéphiles auront aimé passionnément, et dont la descendance se situe aujourd'hui du côté de Jacques Nolot (Prix Jean Vigot 2022), de Laurent Achard ou encore d'Alain Guiraudie.

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Crédit photo : REMY GABALDA / AFP