film"Un varón" au cinéma, un cri sourd dans l'impasse du virilisme

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Par Franck Finance-Madureira le 15/03/2023
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"Un Varon" au cinéma

Dans les sorties cinéma queers de ce mercredi 15 mars, Un varón, film colombien de Fabián Hernández, explore les codes de la virilité dans les rues de Bogota.

Après plusieurs courts-métrages, le cinéaste colombien Fabián Hernández passe au long format avec Un varón (“un homme”, en espagnol), le portrait vif d’un ado des quartiers difficiles de Bogota. “J’ai beaucoup tourné avec des ados non professionnels des quartiers de la capitale colombienne. La construction de l’identité et de la sexualité dans ces milieux violents sont des sujets qui passent au second plan quand on parle de drogues, d’armes, des gangs… analyse le réalisateur. Je viens de ce genre de quartier et j’ai vécu ces doutes, cette peur de montrer ma fragilité. On y trouve une vraie diversité de masculinités, et pas seulement des machos, comme on peut l’imaginer. Pour ne pas se soumettre à la violence, il faut apparaître comme quelqu’un de 'normal', c’est une forme de performance pour de nombreux garçons.”

Un homme, c'est quoi ?

Dans le rôle de ce jeune adulte en plein doute qui ne sait sur quel pied danser dans son rapport à l’autre, Felipe Ramirez, qui fait ici ses débuts de comédien, déploie une palette de jeu étonnante, entre moments de défiance et d’affrontement, et scènes plus intimes, plus sensibles. “Felipe était un garçon que je voyais passer dans le quartier, se souvient Fabián Hernández. On a travaillé ensemble, avec mes questionnements et les siens, pour construire le personnage de Carlos. Il connaissait bien les codes. Felipe est un garçon trans mais nous n’avons pas mis l’accent sur sa transidentité, il est avant tout un excellent acteur qui incarne Carlos, un personnage masculin qui se pose les questions que tous les ados de ces quartiers se posent sur les normes.”

Fabián Hernández connaît bien son sujet et se désole que ce genre de problématique soit totalement ignorée dans son pays alors qu’à ses yeux il faut ouvrir le dialogue : “Il y a plus d’interventions institutionnelles sur ces sujets et les associations travaillent à protéger la diversité des identités, mais la violence reste très présente. C’est un sujet important car c’est une vraie source d’inquiétude. Mais il ne faut pas baisser les bras. Le film va sans doute ouvrir des débats et faire parler en Colombie, où ces questions ne sont évoquées que dans des milieux bourgeois, universitaires, artistiques ou éduqués. Il faut porter ces sujets à l’attention des gens moins aisés ou moins éduqués pour que le dialogue s’ouvre.”·

Crédit photo : Destiny Films