cinéma"Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde", le quotidien cruel d'un ado gay en Roumanie

Par Franck Finance-Madureira le 21/05/2024
Le film "Trois kilomètres jusqu'à la fin du monde" est en compétition officielle au Festival de Cannes 2024

Avec ce troisième long-métrage, le réalisateur roumain Emanuel Parvu a bouleversé les festivaliers en racontant l’histoire d’un jeune homme de 17 ans mis au ban de son village parce qu’homosexuel. Un film sobre et déchirant, présenté en compétition officielle au Festival de Cannes 2024.

Adrian se fait appeler Adi, et vit ses 17 ans du mieux qu’il peut dans un village de pêcheurs, en Roumanie, à l’embranchement du delta du Danube. Un jour qu'il est surpris en train de flirter avec un autre garçon, il est frappé par des jeunes hommes du village. Entre la maison familiale où il semblait vivre en harmonie avec des parents aimants, les routes verdoyantes et son bateau sur la rivière, le cadre de vie d’Adi, mis en valeur par une mise en scène toute en sobriété – beaucoup de plans fixes – d’Emanuel Parvu, semble se muer en décors de pièce de théâtre qui vire à la tragédie.

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Il y a beaucoup de portes et peu de fenêtres dans cette maison blanche et bleue au plafond bas, et beaucoup d’entrées et de sorties de champ de personnages, qui s’agitent tous face à ce qui leur semble un problème insurmontable et honteux : non pas la violence qui s’abat sur Adi, mais ce qui en est à leurs yeux la cause valable, l’homosexualité du jeune homme. Plutôt que d’être protégé, le garçon est mis au ban, jugé, nié par tous, mais surtout par ceux qui sont censés l’aimer.

Smalltown Boy d'aujourd'hui

C’est le parcours d’un martyr que raconte au cinéma Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde avec une simplicité qui confine parfois au détachement, comme si le seul biais salvateur pour ce garçon était non pas seulement de taire ses désirs mais de se taire tout court, de ne plus habiter son corps, de le laisser vacant afin d’absorber la haine qu’il déclenche. Dans ce village d’aujourd'hui, et qui semble malgré tout d'un autre temps, chacun joue son rôle, habite sa fonction : le prêtre, le policier, les parents de la victime, le père des coupables… Adrian n’a pour seules échappatoires que sa meilleure amie, Llinca, et sa volonté farouche de partir pour Bucarest, la capitale, rêvée comme une terre de liberté et d’acceptation.

Le film est dur, éprouvant de violence sourde, et montre sans détour l’homophobie quotidienne et décomplexée d’une société rétrograde qui parvient toujours à faire passer la victime pour coupable, puisque responsable de son sort, d’un choix de vie critiquable qui justifie l'exclusion. Adrian, digne, droit, Smalltown Boy martyr aux rêves d’ailleurs, partira. Sans se retourner. 

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Crédit photo : Memento Films

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