L'actrice Nine d'Urso prête ses traits à la romancière George Sand, femme de lettres et de convictions, dans La Rebelle, nouvelle série française sur France 2, qui évoque la bisexualité de l'écrivaine.
Le haut-de-forme lui sied à ravir. Nine d’Urso, 31 ans, se glisse à merveille dans le costume de l'écrivaine George Sand dans La Rebelle, les aventures de la jeune George Sand. Dans cette nouvelle série diffusée sur France 2 (et disponible en streaming sur france.tv), elle incarne la romancière française au pseudonyme et au look masculins, dont les mœurs et la soif de liberté ont bousculé le paysage littéraire du XIXe siècle.
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Connue pour ses romans champêtres, comme La Mare au diable, l'écrivaine bisexuelle a également signé des romans féministes, comme Indiana, qui propose en 1832 une critique de la condition féminine. Un héritage qui n’échappe pas à son interprète, l'actrice Nine d’Urso, elle-même ouvertement bi depuis ses 19 ans. "La série parle d'une femme qui s'est battue toute sa vie pour se faire accepter et faire accepter non seulement son mode de vie, mais son mode d'écriture. Une femme qui a été victime d’une campagne de décrédibilisation simplement parce qu’elle aimait les femmes, rappelle-t-elle. Le plus beau roman de George, finalement, c’est sa vie. On comprend qu’elle vit ses combats dans sa chair."
Le sous-texte queer de George Sand
Issue d’une famille aristocratique, Aurore Dupin ne s'est pas contentée pas de prendre un nom de plume masculin : elle en arbore tous les atours, et déambule dans les cercles intellectuels parisiens en pantalon, le cigare aux lèvres. "S’habiller en homme, prendre un nom d’homme, c’est une manière de montrer qu’elle est capable de s’emparer de leur apanage littéraire. Elle cherche à affirmer son droit à la reconnaissance intellectuelle. Sa principale quête était d’être lue", résume Nine d’Urso. Les livres de George Sand regorgent d’ailleurs de figures androgynes. C’est le cas du personnage de Gabriel, dans le roman du même nom, jeune fille élevée comme un garçon pour hériter d’un titre. L'œuvre pose les bases d’une interrogation sur la dimension culturelle, construite du genre en tant que rôle social.
La transgression est au cœur de l'œuvre de George Sand, qui n'hésite pas à puiser dans sa vie personnelle. C’est le cas dans Indiana, où l’héroïne cherche à s’émanciper d’un mariage oppressant, et plus largement des carcans sociaux qui pèsent sur les femmes de son temps. À l'époque, l'autrice se sépare de son mari, le baron Dudevant, et saisit la justice pour échapper définitivement à son emprise. Dans le roman Valentine, elle décrit d'ailleurs le mariage comme une prison pour les sentiments. Si le texte transpire la frustration et l’exaspération face à la conformité du désir, l'écrivaine ne va pas jusqu’à mettre en scène des scènes de sexe entre femmes, du moins pas explicitement. Dans Lélia, la tension sexuelle est néanmoins palpable, l'héroïne entretenant une relation pour le moins ambigüe avec sa sœur, la courtisane Pulchérie. Fantasmes, désirs inassouvis, passions féminines… La dimension érotique de la sororité sandienne n’échappe pas à l’œil du lecteur avisé.
Nine d'Urso et les cadeaux de la vie
Côté vie privée, si on évoque souvent les grands noms qui ornent le tableau de chasse de la romancière, comme Alfred de Musset (relation adaptée au cinéma par Diane Kurys en 1999 dans Les Amants du siècle) et Frédéric Chopin (La Note bleue, d'Andrzej Zulawski, en 1991), la série ne manque pas de souligner l’importance de la relation amoureuse et passionnelle que George Sand a entretenue avec Marie Dorval, actrice en vue de l’époque interprétée par la chanteuse Barbara Pravi.
"Ce que j’admire le plus chez George Sand, c’est cette volonté de ne pas se contenter de ce que la vie lui a offert au départ. Voilà ce à quoi j’aspire", affirme Nine d'Urso. À défaut d’être née dans un château, l'actrice et fille d'Inès de La Fressange, mannequin et égérie Chanel, a vu le jour dans un bel appartement parisien au sein d’une famille aisée. "Depuis que je suis petite, on me fait comprendre que je suis née avec une petite cuillère en argent à la bouche. Et c’est vrai, lâche-t-elle. C’est sûrement pour ça que je me suis cassé le cul à faire des études difficiles [hypokhâgne, khâgne, puis l'École normale supérieure] et à passer le concours de la fonction publique. Un concours anonyme." Et d'ajouter : "Tout a toujours été plus facile pour moi et en même temps, là, je m’enfermais dans ma chambre pour bosser pendant que mes amis faisaient la fête, j’avais une sale gueule, des cheveux gras, des cernes qui pendouillaient. J’avais l’impression de payer ma dette en nature à la société."
Lorsqu’elle vit sa première histoire d’amour avec une fille, à l’aube de sa vingtaine, Nine d'Urso sait d’avance que sa famille accueillera la nouvelle à bras ouverts. Étudiante, elle faisait partie d’une asso féministe queer et a fait chauffer la piste des soirées lesbiennes parisiennes. Depuis, elle n’attendait qu’une perche pour s’investir dans la commu. "Incarner un personnage queer, c’est un honneur, déclare-t-elle, solennelle. J’ai l’impression de me rendre utile. C’est une série grand public, qu’on regarde en famille, dans le salon. Si ça peut créer des alliés ou provoquer des prises de consciences, c’est fou." L’actrice est convaincue que la sincérité du lien entre George Sand et Marie Dorval ne passera pas inaperçue.
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Crédit photo : Jean-Philippe Baltel / FTV / Siecle productions