Dessin animé japonais incontournable des années 1980, Lady Oscar a marqué toute une génération queer en racontant les aventures d'une jeune femme noble élevée comme un homme. Netflix sort ce 30 avril La Rose de Versailles, une nouvelle adaptation en film animé de ce bijou.
Si vous êtes une trentenaire lesbienne, il y a de fortes chances qu’avant même de mettre un mot sur votre orientation, vous ayez palpité devant une silhouette en bottes et épaulettes dorées, le sabre au clair dans le Versailles d’avant la Révolution française… On parle de lady Oscar, héroïne androgyne du shōjo (manga destiné aux jeunes filles) La Rose de Versailles créé en 1972 par Riyoko Ikeda, et dont le charisme est plus coupant qu’un rasoir Gillette. Adapté en anime par TMS (Tokyo-Movie-Shinsha, un des plus gros studios de l’animation japonaise de l'époque) sous le titre Lady Oscar, il a offert dès 1979 aux téléspectatrices une figure d’identification hors normes, qui a fait chavirer bien des petits cœurs d’adolescentes en pleine explosion hormonale.
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Le réalisateur le plus queer de la Nouvelle Vague, Jacques Demy, en fit aussi un film la même année, Lady Oscar, après qu’un producteur japonais lui eut passé commande. Michel Legrand, avec qui il a collaboré sur Les Parapluies de Cherbourg et Les Demoiselles de Rochefort, en signait la bande originale. Alors qu’une nouvelle adaptation du manga sort ce mercredi 30 avril en film animé sur Netflix, il est grand temps de se demander : comment lady Oscar est-elle devenue l’un des plus grands crushs de la communauté lesbienne ? Spoiler : ce n’est pas que pour la tenue.
Le genre et ses codes
Les origines mêmes du personnage suffisent à comprendre pourquoi elle est devenue une icône queer. Oscar François de Jarjayes naît fille mais son père, qui souhaite assurer sa descendance, décide de l’élever comme un garçon. Et un garçon, ça se bat à l’épée, ça monte à cheval, ça défend son honneur au péril de sa vie. La fonction faisant le larron, elle devient un militaire émérite, capitaine de la garde royale. "Je suis un soldat avant d'être une femme", affirme Oscar dès le premier épisode. Bien qu’elle soit genrée au féminin par son entourage proche, elle est traitée avec les égards dévolus aux hommes. Elle a les épaules larges, de la prestance ainsi que des cheveux longs détachés : tous les codes du prince de shojo.
Les personnages du manga opposent toutefois sans cesse la nature féminine d’Oscar à ce qu’elle incarne. "Toi qui es si délicate, souligne un certain Axel de Fersen, l’un de ses amis et amant de la reine. Tu es obligée de te comporter comme un homme, de te battre par la faute d’une décision injuste. J’admire ta bravoure." Si Oscar accepte de se faire passer pour un homme, c’est avant tout parce que "son père l’a voulu ainsi", explique André, son ami d’enfance et dévoué compagnon. Alors qu’elle a renoncé à exprimer la moindre émotion pour ne pas être démasquée (il est bien connu que les hommes ne pleurent pas), elle se met à questionner sa féminité et à l’explorer dès lors qu’elle s'éprend d’Axel. Dans l’épisode 25, Oscar se rend au bal vêtue d’une robe, mais nul ne la reconnaît. Le message est limpide : masculinité et féminité ne sont que des codes qu’il s’agit de s’approprier.
Si Oscar se montre souvent critique envers les femmes, qu'elle juge faibles, elle finit par les soutenir lorsqu'elle comprend le sort que leur réserve la société, qu'elles soient du peuple ou de la noblesse. Dans le 19e épisode, une jeune fille finit par se suicider pour échapper à son mariage avec un vieux libidineux. Selon le capitaine, la seule possibilité pour une femme d'obtenir ce qu'elle veut est de prendre les habits masculins. C'est ce qu'elle propose à la jeune Rosalie qu'elle décide de prendre sous son aile et à qui elle enseigne ce qu'elle sait.
Les amours de lady Oscar
L'animé se montre également ambigu sur les inclinations amoureuses de notre chère Oscar, qui ne manque pas d'être courtisée par les dames de la cour. Pour obtenir ses faveurs, elles se pâment, saluent sa prestance… "Toutes ces grandes dames te dévorent des yeux", souligne André. "J'ai toujours rêvé de danser avec Oscar de Jarjayes", entend-on pendant les bals. Lorsqu'elle sauve la reine, celle-ci déclare en rougissant : "Vous êtes tout à fait merveilleux". Elle ne peut s'empêcher de la comparer à son futur époux, qui ne l'attire pas autant que ce "splendide" héros. "J'aime Marie-Antoinette, si spontanée, si naïve", déclarera Oscar, nous faisant espérer une future romance. Mais les attentions de Marie-Antoinette se porteront sur un autre "gentilhomme".
Bientôt, l'intrépide Rosalie entre dans la vie d'Oscar. "Vous tenez un peu à moi ?", s'enquiert-elle dans l'épisode 16, allant jusqu'à étreindre son uniforme en fantasmant : "Oscar, je voudrais tant que toi et moi nous soyons liées à la vie à la mort." Elle sera sa première cavalière lors d'un bal officiel, avant d'être définitivement reléguée au rôle de pupille. Finalement, c'est André, avec qui elle croise le fer comme un camarade, qu'Oscar finit par épouser. Si, à de nombreuses reprises, il la ramène à sa condition de femme à coups de taquineries, il continue malgré tout de la traiter "comme un frère". Il n'a d'ailleurs pas attendu qu'elle explore sa féminité avant de tomber sous son charme, avouant l'aimer "depuis le premier jour".
Qu'on se rassure, la résolution de Lady Oscar ne consiste pas à abandonner la masculinité au profit d'une vie de femme bien rangée. Lorsqu'elle avoue à ses hommes, à l'heure de la Révolution, qu'elle est "une femme que le destin a placée à cent lieues de sa nature", ils lui témoignent le plus grand des respects : "Je ne vois pas quelle différence ça peut faire. Vous êtes notre cheffe et il faut que vous le restiez." La classe à Versailles.
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Crédit photo : Netflix