Avec Des preuves d'amour, la réalisatrice Alice Douard retrace avec douceur le parcours du combattant imposé pendant si longtemps aux mères lesbiennes avant que la France ne finisse, enfin, par accepter que deux femmes puissent élever un enfant.
Projeté en séance spéciale dans le cadre de la Semaine de la Critique du Festival de Cannes 2025, Des preuves d'amour est sans doute l'une des œuvres les plus tendres de cette édition. À l'écran, la cinéaste Alice Douard réunit un joli duo d'actrices – Ella Rumpf, César de la révélation féminine l'an dernier pour Le Théorème de Marguerite, et Monia Chokri, révélée dans Les Amours imaginaires de Xavier Dolan – pour incarner Céline et Nadia, un couple lesbien sur le point d'accueillir son premier enfant via une procréation médicalement assistée (PMA), à l'étranger puisque le récit se situe avant l'ouverture en France de la PMA aux lesbiennes, en 2021.
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C'est un vécu bien réel qui a inspiré le film : celui de sa réalisatrice. "Depuis 2018, je suis la maman d'une petite fille que je n'ai pas portée et que j'ai dû adopter, explique Alice Douard quand on la rencontre sur la Croisette. Il y a beaucoup de moi dans ce projet mais, à l'étape de l'écriture du scénario, j'ai tenu à rencontrer beaucoup de couples de femmes qui ont eu des enfants. J'ai collecté pas mal d'anecdotes qui ont même atterri dans le script. Car ce n'est pas que mon histoire : c'est un film qui nous appartient à nous toutes et tous de la communauté LGBTQ+."
"Un film réconciliant"
Le titre du film prend très vite sens : pour officiellement devenir la mère de sa fille à naître portée par sa compagne, Céline doit constituer un dossier juridique afin de l'adopter. Pour résumer, elle doit donc compiler des "preuves", manuscrites et photographiques, explicitant son implication dans la vie future de son enfant. Une procédure longue, laborieuse mais surtout infantilisante : Céline doit rendre des comptes pour montrer qu'elle est une bonne mère, là où les couples hétéros deviennent parents sans rendre de comptes à personne.
Des preuves d'amour comporte son lot de conflits à la fois internes – quand Céline flanche sous la pression qui repose sur ses épaules – et au sein du couple, quand les deux protagonistes peinent à comprendre le point de vue l'une de l'autre. Alice Douard met toutefois un point d'honneur à insuffler une tendresse constante dans son récit : "Ce film, je l'ai fait en réponse à la violence qu'on a subie en 2013, avec l'opposition au mariage et à l'adoption par les couples de même sexe. Mais je voulais un film réconciliant, ma réponse réside dans la proposition d'une image nouvelle, calme, loin de ce qui a pu être dit à notre égard durant cette période nourrie de fantasmes et d'une imagerie dégueulasse des couples homosexuels. On a besoin encore aujourd'hui d'images joyeuses qui montrent que c'est dur de faire famille, mais que c'est tout de même possible."
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Crédit photo : Tandem
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