spectacle"Ménopause", la comédie musicale (si si !)

Par Laurent Nunez le 18/06/2025
"Ménopause", au théâtre Grand Point Virgule à Paris.

Au théâtre Grand Point Virgule à Paris, quatre femmes transforment un sujet encore tabou en moment de revanche. Un spectacle qui détourne les tubes machistes pour célébrer la liberté post-cinquante ans.

Soyons honnêtes : une comédie musicale sur la ménopause ne faisait pas partie de nos envies immédiates. On traînait des pieds en direction du Grand Point Virgule, redoutant le pire. Mais on avait vu sur le flyer le nom de Sofia Morgavi – l’époustouflante prof de chant de la Star Academy… On s’est dit qu’il fallait tenter.

On a tenté. On a bien fait. 

À travers chansons, danses et sketches, cette adaptation française de la comédie musicale américaine Menopause The Musical de Jeanie Linders (jouée depuis 2001 aux États-Unis) nous fait revivre la journée de quatre femmes très différentes, qui se rencontrent dans un grand magasin pendant les soldes. Faisons les présentations : une cheffe d’entreprise glaçante (Sofia Morgavi, justement), une actrice sur le déclin (Marion Posta, hilarante), une mère de famille au bord du burn-out (Marianne Viguès, très à l’aise) et une boomeuse hippie (Patricia Samuel, qu’on avait remarquée dans The Voice en 2021). 

Des inconnues qui se disent tout

Entre inconnues, dans ce non-lieu qu’est un grand magasin, ces femmes vont se mettre à parler, à dire des choses qu’elles ne diraient jamais à leurs proches. À chaque étage du magasin, un nouveau thème, des confidences toujours plus intimes, et plus drôles. Pourquoi confie-t-on à des étrangères ce que l’on tait à sa famille ? Parce que l’absence d’enjeu relationnel libère la parole. Parce que le jugement de l’autre, quand on ne le reverra pas, pèse moins lourd. C’est ce que les sociologues appellent "la force des liens faibles", et c’est ce qui fait tout le sel de ce spectacle. 

Détourner le patriarcat en chansons

L’autre très bonne idée des auteurs (Alex Goude, Alexandra Cismondi et Sébastien Thève) ? Faire chanter à ces quatre femmes du Michel Sardou, du Serge Lama, du Johnny Halliday – tout le panthéon de la virilité française. Imaginez Ma gueule devenant une ode aux visages sans botox, ou Femme femme femme réinventée en complainte sur la sororité. Ces réécritures sont des actes politiques : elles retournent les codes de la chanson machiste pour raconter une autre histoire, que personne ne voulait raconter. L’inversion est saisissante. Exit le male gaze.

Plus qu’un spectacle

Derrière les rires (et il y en a beaucoup), Ménopause parle d’amitié entre femmes, de liberté sexuelle, du plaisir de vivre. Dans une société qui sacralise la jeunesse, cette comédie musicale ose murmurer que cette transition – qui est l’exact envers de l’adolescence – peut être libératrice. Comme Les Monologues du vagin en son temps, elle crée un espace de parole pour celles qu’on préfère trop souvent invisibiliser. Et le timing est parfait : une étude américaine publiée en mars par le National Bureau of Economic Research montre que la ménopause s’accompagne d’une perte de revenus de 10% en moyenne, touchant plus durement les femmes de milieux défavorisés. Le spectacle arrive donc à point nommé pour briser ce double tabou, à la fois intime et économique.

Déjà un an de succès, des prolongations jusqu’en novembre 2025… Le spectacle fête même son premier anniversaire ces 18 et 19 juin avec deux représentations accompagnées de musiciens live. Sofia Morgavi et ses complices ont gagné leur pari : transformer un tabou en célébration collective. La ménopause comme nouveau départ ? Pourquoi pas.

>> Ménopause, au théâtre du Grand Point Virgule, Paris 15e. Jusqu’en novembre 2025.

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