[Article à retrouver dans le magazine têtu· de l'été, ou sur abonnement] Le réalisateur argentin Marco Berger a une passion : les hétéros curieux. Il nous invite à un amour d'été avec un de ces beaux gosses en questionnement dans Les Amants astronautes, sorti au cinéma ce mercredi 9 juillet.
Dans une clairière, deux amis, partageant une serviette de plage, discutent. Leurs épaules se frôlent. Les regards sont fuyants, mais les sourires complices. "Comme le dit un ami, un cul n'a pas de genre, lâche l'hétéro – jusqu'à preuve du contraire – à son pote gay avant de ricaner. Avec un peu de persévérance…" Les Amants astronautes, de Marco Berger, regorge de ces scènes de flirt sous couvert de vannes entre copains. À travers ce nouveau long-métrage – son douzième ! –, le cinéaste argentin persévère dans sa fascination pour l'homme hétéro curieux et confus dans sa sexualité. Déjà dans Plan B, son premier film, sorti en France en 2010, un mec fraîchement largué tombait amoureux de l'amant de son ex-petite amie. Dans Taekwondo (2017), un jeune homme en pince secrètement pour son camarade de sport ; dans Le Colocataire (2020), un menuisier se trouve excité par le beau blond un peu rustre qui partage son appartement.
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"On a tous déjà fantasmé sur un mec hétéro, fait remarquer le réalisateur. Mais en vrai, qu'est-ce qu'on en sait ? Pourquoi suppose-t-on qu'il est hétéro ? On devrait cesser de présumer de la sexualité des autres et de partir du principe qu'ils sont hétéros. Ces a priori gâchent tout." Mais est-il si sain de perpétuer la dangereuse chimère qui nous fait fantasmer sur des mecs inaccessibles ? N'y a-t-il pas assez de gays assumés pour combler nos désirs ? Certains en ont fait la critique à Marco Berger, qui revendique un autre regard : "Ce qui m'obsède vraiment, c'est le moment de confusion : tu prends conscience que tu es gay, tu expérimentes ta première fois avec un homme… Quand j'étais ado, tous mes camarades d'école étaient hétéros, ils vivaient leur premier baiser, perdaient leur virginité… Moi, je n'y ai pas eu droit parce que je me cachais, que j'avais peur. C'est pour ça que revient dans mes films ce moment de découverte de soi : parce que je n'ai pas pu l'explorer quand j'étais jeune."
Décrocher la lune d'un hétéro
Plus tard dans sa vie, Marco Berger, 47 ans aujourd'hui, a connu l'expérience inverse en devenant un "aimant à hétéros". "Si tu te comportes comme un mec hétéro mais que tu es ouvertement gay, ça les déboussole, et ils peuvent développer un faible pour toi, raconte-t-il. Malheureusement, j'ai l'impression qu'ils me voient alors comme un jouet juste bon à assouvir leur curiosité. Mais je m'en fiche. Désormais, j'annonce la couleur : « Bon, tu joues à quoi ? On baise ou pas ? »" Contrairement à ses personnages, l'Argentin n'est pas du genre à tergiverser.
Dans Les Amants astronautes, comme dans toute sa filmographie, ses protagonistes sont des représentants de la masculinité en vogue en ce début du XXIe siècle : pas machos mais jamais maniérés, sensibles mais pas efféminés, le bon pote idéal des bromances. "Je ne fais pas exprès, je filme juste ce que je connais ! précise Marco Berger. On m'a déjà demandé une fois pourquoi je ne faisais pas un film sur un personnage trans. C'est simple : ce n'est pas mon vécu. Pour représenter cette réalité, il faut plutôt mettre en avant des cinéastes trans. Ce n'est pas mon job de représenter toutes les nuances du monde LGBTQI+. Un tas de réalisateurs queers géniaux racontent leurs points de vue, et je fais ma part."
Un amour de bon pote
Lui se concentre sur les beaux gosses. "J'assume, je sais très bien que mes acteurs sont magnifiques", lâche Marco Berger en riant de bon cœur. Mais cela ne suffit pas pour autant à attirer les gros producteurs. "À chacun de mes films je suis ric-rac niveau budget, souligne-t-il. Je me dis parfois que ce serait plus simple si je tournais des histoires queers misérabilistes destinées à un public hétéro."
Chez lui en effet, pas de coming out difficile, pas d'agressions homophobes, pas de lente acceptation de soi et de thérapie sur vingt ans. Pour Les Amants astronautes, Marco Berger est plutôt allé chercher du côté des films avec Meg Ryan. "J'ai remarqué que dans le cinéma queer, il n'y avait pas vraiment de comédies romantiques classiques, avec la scène du baiser, la confusion des personnages, les mensonges, la troisième personne…" Finalement, est-ce l'hétéro que l'on fantasme, ou juste une amourette simple sur une plage ensoleillée ?
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Crédit photo : Optimale Distribution