Festival de Cannes"Le Mystérieux Regard du flamant rose", ode poétique à la famille choisie

Par Franck Finance-Madureira le 27/05/2025

Avec ce premier long-métrage entre western et conte baroque, le jeune cinéaste chilien Diego Céspedes impose un regard singulier. En évoquant les prémices du sida dans une communauté queer isolée, il signe une œuvre d'une grâce infinie et à la mise en scène percutante sur l'émancipation et la famille choisie. Une révélation !

Un désert minier aride du nord du Chili, au début des années 1980. Deux communautés s’y affrontent. D’un côté, une "famille" queer composite où se côtoient pédés et travestis, seuls termes en vigueur pour résumer le spectre de la fluidité des genres et des sexualités ; de l’autre, des mineurs rustres, convaincus que la mystérieuse maladie qui rôde peut les terrasser en un seul regard… Au milieu, la maison Alaska, cabaret-saloon queer perdu dans ce décor de western, où l’on arbore fièrement son surnom animalier et où règne Mama Boa, maîtresse des lieux.

À lire aussi : Cannes 2025 : avec "Alpha", Julia Ducournau revisite en métaphore l'émergence du sida

C’est le regard de Lidia, petite fille de 11 ans recueillie par cette communauté, qu’épouse le réalisateur, le Chilien Diego Céspedes, qui signe ici un premier film en forme de manifeste poétique. "J'ai grandi un peu comme Lidia, finalement, nous raconte le cinéaste, en ayant une vision de cette maladie, le sida, qui me terrorisait. Mais à mesure que moi-même, j'ai grandi, que je suis sorti du placard, j'ai découvert en dehors de la chape familiale ce qu’était cette communauté, ce qu’était cette maladie mais aussi en observant le côté un peu lumineux de ces personnages, de leurs vies, de leurs histoires, de leurs relations. Finalement, comme Lidia, j'ai pu aussi avoir accès à une vision un peu plus ample et un spectre de couleurs et de personnages qui m’ont aidé à grandir." C’est le regard de cette pré-adolescente qui ouvre les portes de ce monde où se côtoient l’amour, la violence, la peur et le désir.

La famille de cœur avant tout

En flirtant avec une flamboyance baroque, le jeune cinéaste chilien, déjà repéré à Cannes avec ses courts-métrages, déploie un univers personnel et singulier qui agit comme un accélérateur de particules émancipatrices en concentrant dans ce petit monde clos, malgré l’étendue à perte de vue de ses paysages, les conflits entre des populations en marge qui ne font que survivre, comme à l’écart d’un monde qui avancerait loin d’elles, au-delà de l’horizon.

Avec en ligne de mire, l’envie ostensible de faire de ce film aux allures de conte fantastique et surréaliste une ode à la famille choisie : "Parmi tous les thèmes abordés par cette histoire, précise Diego Céspedes, celui qui me paraît le plus juste, le plus profond, le plus important, c'est de montrer comment ces personnes-là s'ancrent dans une structure familiale choisie, bâtie sur une relation d'amour. Ce qu'elles recherchent, ce qu'elles ne peuvent pas avoir avec leurs parents de sang, elles le reconstruisent avec les personnes qu'elles choisissent pour finalement avoir cette même relation, ce même amour, cette tendresse et accéder à ce besoin d'être entouré. C'est ce à quoi nous aspirons tous. Finalement, leur survie n'est rendue possible que par la constitution de ce petit nid-là, ensemble."

À lire aussi : Cannes 2025 : avec "Enzo", le tandem Campillo-Cantet sur les chantiers du désir

cinéma | film | culture | Festival de Cannes

Crédit photo : Arizona Films