Pour enrayer une hausse des cas de gonorrhée, l'Angleterre lance une campagne de vaccination pour les hommes gays et bi. Mais l'efficacité du vaccin utilisé est largement remise en cause par les chercheurs français.
En août, le service de santé publique britannique lance une campagne de vaccination contre la gonorrhée (aussi appelée gonococcie, blennorragie, "chaude pisse", "chtouille") ciblant les hommes gays et bi en Angleterre, selon la BBC. Malgré l'explosion des cas de cette infection sexuellement transmissible (IST) ces dernières années, les spécialistes de santé français sont très sceptiques sur cette décision, car le vaccin utilisé est d'une efficacité limitée.
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Obligatoire en France pour les nourrissons depuis janvier, le 4CMenB (commercialisé sous le nom Bexsero) n'a pas été conçu pour lutter contre la gono, mais contre le méningocoque B (cause de méningites parfois fatales), une bactérie génétiquement proche de celle responsable de la gonorrhée, le gonocoque. "Les Anglais sont allés trop vite… Nous avons montré que ce vaccin n’avait pas d’efficacité ! Personne d’autre ne le recommande", dénonce le Pr. Jean-Michel Molina. Ce dernier a coordonné l'étude de l'ANRS - Maladies infectieuses (agence publique de recherche de santé auparavant spécialisée sur le VIH), qui a démontré le peu d'efficacité du vaccin et préconisé l'usage préventif d'un antibiotique, la doxycycline.
Une efficacité "modérée"
"À mon avis, la mesure britannique n’est pas utile. Le vaccin contre le méningocoque B n’a pas fait la preuve de son efficacité, et l’argumentaire est uniquement basé sur des données observationnelles", confirme la biologiste et épidémiologiste Dominique Costagliola. Une analyse de plusieurs études, publiée dans le Journal of Infectious Diseases en juillet 2024, fait état de son efficacité "modérée" contre la gonorrhée, se situant entre 23% et et 47%.
Selon l'université britannique Imperial College London citée par la BBC, la campagne de vaccination pourrait empêcher quelque 100.000 contaminations et permettre d'économiser 8 millions de livres sterling (9,5 millions d'euros) sur les dix prochaines années. Car les cas de gonorrhées explosent au Royaume-Uni : 85.000 en 2023, soit trois fois plus qu'en 2012. En France, les diagnostics en secteur privé ont augmenté de 55% entre 2021 et 2023 (soit 33.300 cas si on ajoute ceux détectés en Cegidd). Mais le problème, c'est que la bactérie résiste de plus en plus aux antibiotiques. Craignant de ne plus avoir de médicaments efficaces pour lutter contre, les services de santé essaient d'enrayer sa propagation avec des alternatives préventives.
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