LGBTphobieLe gouvernement double les amendes pour homophobie et transphobie dans certains cas

Par Julie Baret le 17/08/2017
décret n°2017-1230 injure non publique décret du 3 août 2017

Après l'adoption de la loi de moralisation assortie de son inéligibilité pour homophobie, le gouvernement dégaine une nouvelle arme pénale contre les discriminations.

Un jour, à propos d’un article sur le mariage pour tou-te-s dans le journal, une collègue annonce : “Ils devraient brûler vifs, ils sont hors normes.” Personne n’a réagi... Je me suis tue parce qu’au travail, je ne suis pas lesbienne mais Emilie, hétérosexuelle en couple depuis 5 ans avec un homme.

Mai 2017. SOS homophobie publiait son 21ème rapport. Page 128, on apprenait non seulement que les insultes représentent près de la moitié des manifestations LGBTphobes vécues au travail, mais aussi que celles-ci - et avec elles les diffamation, et les menaces d'outing - continuent d'augmenter autour de la machine à café.
En droit pénal français, l'injure homophobe ou transphobe commise dans un lieu public est passible de six mois d'emprisonnement et de 22.500 € d'amende; un an de prison et une amende multipliée par deux en cas de diffamation. Mais si aucun témoin n'a assisté à la scène, ou si les faits se déroulent dans l'entre-soi que constitue une entreprise ou un établissement scolaire, voire dans le cadre de conversations numériques privées (sms) ou restreintes (par exemple un groupe d'amis), le droit français tombe à plat. De publique, l'injure devient non publique; et de délit, l'infraction passe à la simple contravention.

Condamner plus fort

Jusqu'alors, la provocation, la diffamation et l'injure non publique présentant un caractère homophobe, raciste, sexiste ou handiphobe, étaient ainsi considérées comme des contraventions de 4e classe et donc passibles d'une amende de 750 € maximum. Le décret n°2017-1230, entré en vigueur le 6 août 2017 et destiné à renforcer leur répression, les requalifie en contravention de 5e classe.
Désormais,  les personnes poursuivies pour de tels faits encourront une amende d'un maximum de 1.500 €. Ces condamnations rejoignent ainsi le rang des violences volontaires (ayant entraîné une ITT de 1 à 8 jours) et des atteintes involontaires à l'intégrité physiques. En outre la récidive, qui n'était alors pas répréhensible, pourra élever les amendes à 3.000 €, soit quatre fois le montant prévu par la précédente législation.
Autre nouveauté, le texte publié au Journal officiel au début du mois "élargit ces infractions aux cas où elles sont commises en raison de l'identité de genre de la victime" afin d'intégrer les violences transphobes aux circonstances aggravantes et ainsi mieux lutter contre la transphobie.

Stage de citoyenneté et travaux d'intérêt général pour les accusés

Signé du Premier ministre, de la garde des Sceaux et de la ministre des Outre-mer, le décret du 3 août 2017 prévoit aussi des peines complémentaires encourues par les accusés. Ceux-ci pourront se voir imposer jusqu'à 120 heures de travaux d'intérêt général, un stage de citoyenneté "le cas échéant à [leurs] frais" et une interdiction de port d'armes pour une durée maximale de trois ans. Enfin, le texte multiplie le seuil maximal de l'amende par cinq pour les personnes morales et prévoit la confiscation de ce "qui a servi ou qui était destiné à commettre l'infraction".
Etienne Deshoulières, avocat membre de l'association LGBT Mousse, apporte toutefois une nuance à ce renforcement. "Le décret n'aligne pas les délais de prescription" regrette-t-il auprès de Stop Homophobie. En effet, alors que les délits publics à caractère discriminants sont généralement prescrits à un an, les auteurs de provocation, diffamation ou injure non publique ne peuvent être poursuivis que dans les 3 mois suivant les faits.
 
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