Marche des fiertésDécision historique de la Banque mondiale en faveur des droits LGBT

Par Jérémie Lacroix le 04/03/2016
Banque mondiale discrimination droits LGBT

Le président de la Banque mondiale, Jim Yong Kim, a annoncé que l'institution interromprait ses prêts dans les pays qui mettent en danger les droits LGBT.

La Banque mondiale est une organisation internationale qui accorde des prêts à taux préférentiels, essentiellement aux pays en voie de développement, afin de les aider dans leurs projets, qu'ils soient éducatifs, agricoles, sanitaires, industriels... En contrepartie, des politiques d'ajustement structurel doivent être prises dans les pays qui bénéficient de ces aides, notamment pour limiter la corruption ou favoriser l'émergence de la démocratie. Depuis peu, un autre axe est jugé prioritaire par l'institution, sous l'impulsion de son président, le respect des droits et des personnes LGBT.

Jim Yong Kim s'exprimait lors de la conférence Pride and Prejudice, organisée par The Economist, durant laquelle sont organisés de nombreux débats autour du coût humain et économique qu'induit la discrimination envers les personnes LGBT. Il a expliqué sa décision, d'interrompre les prêts aux pays qui ne respectent pas les droits LGBT, en prenant l'exemple de l'Ouganda.

Lutter contre la discrimination des personnes LGBT

En effet, ce pays a récemment voté une loi anti-homosexualité draconienne. Celle-ci prévoyait la prison à vie pour les personnes jugées coupables d'homosexualité. Pis encore, elle obligeait à dénoncer toute personne suspecte. Jim Yong Kim ne pouvait envisager d'aider l'Ouganda à construire des hôpitaux dans lesquels les personnes LGBT pourraient être menacées et discriminées. Il a alors subi de nombreuses critiques, même au sein de l'institution, certains considérant cette décision excessive au regard du nombre de pays qui criminalisent l'homosexualité dans le monde. Comment l'institution allait-elle pouvoir continuer son travail sachant qu'elle n'était pas censée émettre de jugements politiques ?

Le président de la Banque mondiale a donc contourné cette interdiction en se basant sur un autre principe, celui qui veut que le soutien de l'institution ne conduise pas à la discrimination voire à la mise en péril des populations et des minorités. Il a donc maintenu sa décision en déclarant que le Banque mondial devait s'élever contre de telles pratiques. L'Ouganda, ulcéré par cette décision, a finalement abrogé ladite loi, dénoncée par l'ensemble de la communauté internationale. En outre, cette décision a légitimé l'engagement de Jim Yong Kim et a surtout créé un précédent.

En effet, le ministre des finances d'un autre pays est venu le voir en lui disant qu'une telle loi était en débat dans son Parlement national mais qu'il ferait tout pour y mettre son veto, ne pouvant se passer des financement de l'institution. "C'était particulièrement encourageant", confie-t-il.

Banque mondiale discrimination droits LGBT

Faire avancer le débat au sein de la Banque mondiale

Jim Yong Kim a alors décidé avec son équipe d'introduire une clause de sauvegarde dans les règles et procédures de l'institution. A l'état de brouillon, cette clause explicitement formulée indiquait que la discrimination envers les personnes LGBT ne pourrait être tolérée et impliquerait une suspension des prêts. Cependant, ils ont dû faire marche arrière et la clause n'a pas encore été votée. En effet, l'institution est très ancienne, avec ses règles et ses procédures à respecter. La décision reviendra au conseil des administrateurs. Mais Jim Yong Kim se félicite d'avoir fait avancer le débat en proposant une nouvelle réglementation. Dans tous les cas, il reste vigilant sur l'utilisation des prêts et leurs conséquences en terme de discrimination.

D'ailleurs, le président a fait le parallèle avec la lutte contre la corruption qui avait également suscité une levée de boucliers il y a 20 ans. Les opposants à une trop grande implication de la Banque mondiale jugeant qu'une réglementation trop restrictive entraverait le travail de l'institution. Cependant, aujourd'hui les résultats sont probants. Certes la corruption n'a pas totalement disparu mais l'institution a mis en place des procédures qui permettent de mieux identifier les détournements de fonds. Il en ira de même dans le respect des droits LGBT, espère son président.

Enfin, il a tenu à rappeller l'engagement de l'institution dans la défense des droits et des personnes LGBT dans le monde, notamment dans la protection de ses employés. Il déclare négocier de manière agressive avec certains pays pour leur faire comprendre que l'institution s'attend à ce que son personnel LGBT soit traité de la même manière que son personnel hétérosexuel, à ce que certains standards soient respectés.