Alors que la marche des Fiertés approche, plus de 3000 personnes se sont réunies pour la deuxième édition de la Pride de Nuit. Retour sur un succès grandissant...
Ils étaient très nombreux hier, celles et ceux qui battaient le pavé pour la Pride de Nuit parisienne. Plus de trois mille à se rassembler devant la Fontaine des Innocents puis à rejoindre la marche jusqu’à la place Baudoyer, faisant de celle-ci un véritable succès.
Trois mille, c’est au moins trois fois plus que l’année dernière. « C’est pas moi, c’est la police qui l’a dit » s’amuse l’une des organisatrices.
Accès libre et gratuit au changement d’état civil pour les personnes trans, arrêt des mutilations et traitement sur les personnes intersexes/trans, l’accès équitable aux soins et à la prévention, l’ouverture du droit à la PMA, les revendications et frustrations sont nombreuses dans un contexte de crise politique et économique.
Fausses promesses, état d’urgence permanent, précarisation croissante des minorités, c’est évidemment le gouvernement qui se trouve critiqué frontalement, «PS, la fierté c’est pas son genre» clame d’ailleurs la bannière de tête.
Lors des prises de paroles, l’association Acceptess T, Outrans et Femmes en Luttes 93 rappellent avec passion et éloquence l’invisibilisation des luttes et des personnes LGBT issues des quartiers populaires. Elles évoquent les multi-discriminations auxquelles certain.e.s continuent de faire face régulièrement.
À l’indignation se mêlent également le choc et la douleur des récents événements, les violences dirigées envers les LGBT lors de la Pride improvisée malgré son interdiction à Istanbul mais aussi évidemment le massacre d’Orlando. Certains visages se crispent immédiatement alors que William, américain vivant à Paris, évoque dans un texte personnel et émouvant la date anniversaire de Stonewall et l’attaque du Pulse.
Au delà des prises de paroles, je retiendrai beaucoup de choses de cette Pride de Nuit.
Chanter et danser ensuite ensemble le long des quelques rues du Marais que la préfecture avait décidé d’octroyer à cette Pride, voir flotter les drapeaux d’Act Up mais aussi de nouvelles bannières et slogans issus de nouveaux groupes militants qui ont émergé au cours de ces derniers mois depuis l’instauration de l’état d’urgence, s’allonger dans la rue pour un die-in hommage, regarder les bougies s’allumer pour faire apparaître le nom de Brenda, une militante morte il y a quelques jours, alors que la nuit tombe sur la place Baudoyer, auront démontré encore une fois la grande force et la résilience à l’oeuvre dans ces moments où nous nous trouvons réunis par les émotions multiples que sont la colère, la tristesse mais aussi la joie d’être ensemble.
Les marches alternatives à la Marche des fiertés ne sont pas nouvelles, une participante me raconte brièvement la pride alternative berlinoise qui rassemble plusieurs milliers de personnes chaque année. De nombreux mouvements anglais critiquent quant à eux ouvertement la commercialisation de la grande Pride londonienne qui s'est tenue la semaine dernière, problème dont nous ne mesurons pas encore totalement l’ampleur à la différence des pays anglo-saxons, et réclament un retour aux origines de cette marche des Fiertés. Une origine qui trouve bien évidemment son point de départ, comme cela nous était rappelé hier au micro dans les révoltes de Stonewall lorsque de nombreuses femmes trans de couleur, de gays et lesbiennes décidèrent de s’opposer à la violence policière. Cette marche n’aura donc pas seulement réussi en ce qu’elle aura réuni plus de trois mille personnes d’âges et d’expériences diverses mais bien en ce qu’elle aura permis de réactiver quelque chose d’une continuité historique et mémorielle. Qu’elle aura été capable de rassembler de la diversité, de la visibiliser et de la respecter, mais également de faire résonner des souvenirs militants avec la mémoire de nombreux.s.e.s disparu.e.s tout en dessinant les contours d’une critique plus globale d’un système, où, comme nous le rappelait hier Femmes en Lutte 93 en reprenant la citation de l’écrivaine féministe noire-américaine Audre Lorde « Personne n’est libre tant que d’autres sont opprimées. » Continuons donc de briser le silence…
Un nouveau cortège radical se tiendra le jour de la Marche des fiertés.