Le groupuscule Civitas devient un parti politique

Par Julie Baret le 30/06/2016
Civitas parti politique

L'association intégriste d’extrême-droite Civitas bénéficie désormais du statut de parti politique, une nouvelle fortement contestée à l’Assemblée nationale.

« 'La démocratie c’est le mal, la démocratie c’est la mort, la démocratie c’est le mensonge'. Voilà la profession de foi de l’officine catholique intégriste Civitas » dénonçait hier le député Olivier Falorni au micro de l’Assemblée nationale.
Dans sa revue de juin, le mouvement qui lutte pour « la restauration de la royauté sociale de Notre Seigneur Jésus-Christ » – comme il s’en targue sur son site internet – reprenait en effet les mots de l’antisémite Charles Mauras pour marquer son opposition au fonctionnement démocratique. Pourtant, l’association vient d’entrer sur le terrain politique, puisque sa structure de gestion a été « agréée en qualité d’association de financement » de parti politique, selon une décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques parue dans le Journal Officiel le 12 juin.
Désormais, cette formation d’extrême-droite anti-avortement et fortement opposée au « mariage pour tous » pourra faire bénéficier ses donateurs d’une exonération fiscale à hauteur de 66% ; un avantage dont elle avait été privée depuis janvier 2016. En outre, en tant que parti politique, Civitas pourra également prétendre au remboursement de ses dépenses de campagne.
Une entrée sur la scène politique qui a provoqué la « stupeur » du député de gauche Olivier Falorni comme il s’en est exprimé à l’Assemblée nationale hier, soulignant la « terrible coïncidence » de cette décision avec la tragédie d’Orlando.

Olivier Falorni tire la sonnette d'alarme

L’élu PRG en Charente-Maritime a ainsi tenu à rappeler à l’hémicycle que Civitas « a organisé des manifestations contre, je cite, l’homo-folie, au cri de ‘non au pédés’, ‘la famille c’est sacré’, et [que] de nombreux militants assimilaient ouvertement l’homosexualité avec la zoophilie » ; des « abominations » qui rapproche le groupuscule du « fanatisme salaphiste ».
Enfin, le député s'est offusqué auprès du ministre de l'Intérieur que cette « organisation violemment hostile aux droits de l’homme » soit financée par le contribuable français, et a exhorté la « démocratie [à] être sans faiblesse face à tous ceux qui veulent éteindre l’esprit des Lumières pour plonger notre pays dans l’obscurantisme le plus moyenâgeux (…), face à tous les fanatismes, prêcheurs de haine, quels qu’ils soient », pour ne pas « un jour, dans un bureau de vote de la République, avoir à choisir entre un candidat salafiste et un candidat intégriste ».
Une déclaration saluée par les applaudissements des élus, dont Bernard Cazeneuve s’est défendu en rappelant qu’il n’avait aucun pouvoir discrétionnaire sur cette question puisqu’il n’existe pas de procédure d’agrément des associations de financement mais un dispositif déclaratif des partis. Il revient néanmoins à la Commission de financement des partis politiques et des comptes de campagne de veiller à ce que Civitas respecte les règles en la matière. Le ministre de l’Intérieur a également appelé au respect du pluralisme, fondateur de la démocratie.

Civitas se fraye un chemin vers les urnes

Pourtant, force est de rappeler que l’homophobie n’est pas une opinion mais un comportement haineux reconnu comme un délit. En outre, l’association Civitas qui voyait le jour en 1999 à partir du terreau vichyste et royaliste est depuis considérée comme le bras séculier de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X composée de prêtres intégristes et non-reconnue par l’Église catholique. Civitas a également partagé le combat de la Manif pour tous, même si ces positions radicales ne lui ont pas permis d’être officiellement conviée sous les drapeaux roses et bleus. En 2012, le président de Civitas Alain Escada clamait ainsi que l’ouverture du mariage aux couples de même sexe « déboucherait sur la légitimation future du mariage polygame et incestueux ».
Contacté tout récemment par l’AFP, ce dernier déclarait pourtant ne pas comprendre « pourquoi les mouvements pro-vie, pro-famille, catholiques enracinés ne pourraient pas disposer d’une représentation politique autonome ». Joint par Le Figaro, il a aussi affirmé que le mouvement avait une « vraie démarche politique » d’influence lors des présidentielles mais aussi un potentiel d'éligibilité lors des législatives. Il exprimera la stratégie de Civitas en septembre.

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