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sexoEnquête : l'homme qui propose des "plans plâtre" sur Grindr…

Par Jérémy Patinier le 25/10/2016
L'homme au plâtre, légende de Grindr

Ne vous plaignez plus que personne ne souhaite construire quelque chose de solide avec vous : il y en a un qui rêve de vous plâtrer ! C’est un peu le Loch Ness de Grindr, la légende d’un passionné un peu obsessionnel qui ne demande qu’à prendre soin de vous… Really ?

Définition d’une paraphilie

Pour qualifier la passion érotique pour les talons hauts, les chatouilles ou le mucus, par exemple, ne dites plus "perversion" : dites "paraphilie". C’est un sexologue du nom de John Money qui a popularisé le terme pour qualifier, de façon non-péjorative, "les intérêts sexuels inhabituels". Techniquement, c’est un embellissement sexo-érotique pour à peu près tout ce que votre voisine trouverait chelou. Et inversement.

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Du voyeurisme de femmes enceintes (la maïeusophilie), au fantasme de crouler nu sous les insectes (la formicophilie), de l’exbitionnisme en milieu hospitalier au désir érotique d’asphyxie : tous les goûts (et surtout ceux que l’on n’imagine pas) sont dans la nature. Mais s'il en existe un qui, à force de réapparaître depuis des années sur les sites de rencontre gay et notamment Grindr, est devenue une légende urbaine virtuelle, c’est bien l’attirance pour les gens dans le plâtre…
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La construction d’un mythe

Il revient régulièrement à la charge, toujours avec le même message copié-collé : "Salut. Ça va ? Est-ce que tu as déjà eu une jambe dans le plâtre ?". La plupart l’ignorent, ou répondent poliment. Mais qui est-il ? Maçon au chômage ? Fétichiste traumatisé dans son enfance par le monde médical, avec un syndrome de Stockholm ? Ou cela lui évoquerait-il le souvenir ému d’un infirmier ?

Au gré des saisons, son profil change, les photos de profil (peut-être fake) toujours aussi sexy. Certains témoins affirment l’avoir déjà croisé il y a plus de 10 ans sur Bearwww ou feu Gayattitude, désormais sur les applis. Toujours le même modus operandi, la même accroche mystérieuse : "Mon fantasme est de prendre soin d'un mec plâtré. Être là pour lui pour tout ce qu'il faut. La douche, toilettés, bouffe, déplacement, etc. et donc Je ch quelqu'un qui peux comprendre et partager mon trip! Si t'as envie de critiquer, dégages ! (sic)".

Ses "stats" : 190cm, 90kg, white, discreet, single. Très peu de témoignages de gens l’ayant en effet rencontré. On s’interroge sur sa réalité, sur l’existence de sa paraphilie au-delà de l’écran. N’est-il, comme la carrière de Lorie, les mecs fidèles ou la tolérance de Christine Boutin, qu’une chimère ?

Tu n’es pas seul

Les fans de plâtre sont certes isolés, mais plus seul depuis l’avènement d’internet : ils ont leurs blogs littéraires, leurs forums sur Doctissimo, leurs vidéos érotiques… Encore pas de groupes de parole, mais de nombreuses histoires circulent…  Souvent chez les hétéros. Il suffit de suivre le hashtag #LLWC pour long legs walking cast (cast = moulage/plâtre). Le site girlsincast nous fait même le plaisir de répertorier toutes les sortes de plâtres pour nous aider à mieux s’y retrouver. Un florilège de tags accompagné de descriptions précises et chiffrées : #SLC (short leg cast), #DLLWC, (double long leg cast), #DSATS (double short arm thumb spica cast) – et non pas DANSE AVEC LES STARS.

On pénètre dans l’univers hygiénique des casters, autrement nommés gypsophiles (le gypse se trouve être la matière avec laquelle on conçoit le plâtre). Sur le blog d’un psy, on peut lire le témoignage d’une lectrice gypsophile troublée et anxieuse par son attirance du plâtre : "En plus de ma sensibilité, cela stimule également ma sensualité jusqu’à faire naître des pensées érotiques. Pour moi, il n’y a rien de plus sensuel et attendrissant que de laisser ses orteils nus au bout du plâtre. En avouant cela, je ne pense pas faire preuve de cruauté ou de sadisme. L’idée de souffrance me fait horreur mais lorsque je vois quelqu’un avec un membre plâtré, ma sensibilité canalisée par une étrange et puissante force intérieure galvanisent mon envie de me montrer protectrice, encore plus tendre et câline. Si j’imagine être plâtrée, je rêve de caresses douces et sensuelles, de jeux érotiques, également d’être noyée d’amour."

Avouez, qui n’a pas senti le petit plaisir de sentir la brise entre ses doigts de pieds, ou la gratouille à l’intérieur du plâtre dur, étouffant la jambe compressée. Sans chercher à émettre d’hypothèses essentialisantes sur l’origine d’un fétichisme comme celui-ci - les origines de nos paraphilies varient selon nos histoires - on peut imaginer que la gypsophilie vient d'une l’érotisation du monde médicale, de la dissimulation d’une partie du corps et du plaisir trouvé dans la fragilité ou la soumission... CertainEs rêvent d’une convalescence qui leur offrirait un peu de répit, d’une protection comme une armure, et en même temps de susciter une compassion sans limite dans les yeux de tous. Le fantasme de mater (ou poser) du plâtre est le plus souvent une projection, lié au désir d’en porter un soi-même. Le total abandon d’un membre (ou d’une partie plus large du corps) rend la personne touchante et permet de mobiliser une hypersensibilité généralement occultée. Si l’on est dans une démarche un peu plus perverse, on appréciera les personnes plâtrées parce qu’elles sont vulnérables physiquement et deviennent dès lors des proies destinées à combler les appétits dignes d’un prédateur sexuel. Dès lors, ce n’est plus le plâtre qui motive le paraphile mais la vulnérabilité.

Le mystère de l'homme au plâtre perdure…

À la suite de notre appel à témoins, les retours ont plu sur nos téléscripteurs. Philippe : "A l'époque de notre flirt virtuel via blog sa photo de profil c'était un mec plâtré sur un toboggan. Quand j'ai su qu'il parlait à tout le monde j'ai été plus déçu que par la fin de Lost. Parce que de toute façon je n'aimais pas cette série mais je l'aimais lui d'un amour vrai et pur." Raphaël : "Il a voulu avec moi... mais comme ça lui aurait couté un bras, il s'est cassé !" Ruru : "Ouais il m’a contacté, plusieurs fois mais j'ai jamais répondu. Uniquement car j'avais pas de plâtre…" Gordon : "Moi une à deux fois par an depuis 6 ans... La dernière c'était y'a deux semaines d'ailleurs…." Jimmy : "Moi mais c'était sur Citegay à l'époque !" Les "J’ai failli le rencontrer, mais il était trop hésitant" fleurissent. Quand soudain, l’homme qui a un copain qui a vu l’homme. Mohamed : "Je connais quelqu'un qui a couché avec..."

Nous n'en saurons pas plus. Les témoins du fan de plâtre se murent dans le silence, peu enclins à témoigner sur leur rencontre avec une légende. Ils restent aussi discrets que lui... Ils attestent juste son existence et que la photo ressemble bien – autant que faire se peut – à la très athlétique description mise en avant. Nos tentatives de contact (façon Elise Lucet) avec "l'homme qui propose des plans plâtres" sont restées vaines. Ainsi fonctionnent les légendes urbaines, le mélange de souffre et de secrets gardés rendent ces penchants originaux encore et toujours plus mystérieux...

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