Après le suicide d'un Français à Taipei, Taiwan est en passe de légaliser le mariage et l'adoption pour tous. Samedi, LGBT et alliés étaient dans la rue pour célébrer cet horizon.
Ils étaient plusieurs dizaines de milliers à marcher dans le centre-ville de Taipei, samedi après-midi. Malgré la grisaille, LGBT et alliés s'étaient donné rendez-vous pour la 14ème année consécutive sous les drapeaux arc-en-ciel, les ballons, et les pancartes appelant à davantage d'égalité, lors de la plus grande Gay Pride du continent asiatique. En ce début novembre, Taiwan n'a jamais été aussi proche d'ouvrir le mariage aux couples homos.
L'origine de ce bouillonnement est pourtant tragique. Le 16 octobre, Jacques Picoux, un professeur de français à l'université de Taiwan proche du milieu du cinéma, trouve la mort en tombant de son appartement, au 10ème étage d'un immeuble de Taipei. Selon ses proches, la chute n'est pas accidentelle ; l'homme de 67 ans installé depuis 1979 à Taiwan se serait donné la mort. Il était en effet tombé dans une grave dépression au décès de son compagnon de 35 ans, Tseng Ching-chao, atteint d'un cancer. Les couples de même sexe ne bénéficiant pas de reconnaissance légale à Taïwan, Jacques Picoux avait été écarté des décisions médicales cruciales concernant son Tseng Ching-chao à la fin de sa vie. Après le décès de ce dernier, Jacques Picoux s'était même vu renier ses droits sur le logement que les deux hommes partageaient.
"Combien de vies humaines devons-nous encore perdre à cause de la négligence du gouvernement ?" s'étaient alors insurgées les associations LGBT taïwanaises, provoquant un élan d'émoi en faveur de l'égalité des droits dans l'opinion publique, et relançant par la même occasion la machine législative.
Une députée convaincue, un nouveau projet de loi, et une majorité parlementaire
Lundi dernier, le Parti démocratique progressiste a déposé un projet de loi permettant aux homos et aux hétéros de jouir des même droits devant le mariage - qui ne serait plus réduit à l'union d'un homme et d'une femme -, "ce qui incluerait l'autorité parentale et l'absence de discrimination en matière d'adoption". D'après son auteure, Yu Mei-nu, la disparition de Jacques Picoux a été cruciale dans cette avancée :
Cette histoire a touché les gens. Le groupe LGBT était très en colère. Et ça a fortement mis la pression à notre parti mais aussi à d'autres formations politiques.
Celle-ci avait déjà défendu une pareille réforme pendant deux longues années. Mais la vie politique taïwanaise était alors dominée par le parti conservateur du Kuomintang, et les députés n'avaient pas eu le courage de se rendre à l'Assemblée le jour du vote final, comme le rappelle The Guardian. Or depuis cette année, le Parlement est dirigé par le Parti démocrate progressiste qui s'est prononcé en faveur des droits LGBT. D'après l'association Pride Watch Taiwan, c'est la toute première fois qu'une majorité de législateurs s'apprête à voter "oui" à l'égalité devant le mariage.
En France, c'est également l'absence de droits en cas de maladie ou de décès qui avait poussé les parlementaires à discuter du Pacte civil de solidarité - plus communément appelé PACS - après les années noires de contamination du sida.
Si le texte de Yu Mei-nu entre en vigueur, il ferait de Taiwan le tout premier pays d'Asie à légaliser le mariage pour tous. D'après la députée de 61 ans, il pourrait être introduit dès 2017.
Pour en savoir plus :
[contact-form-7 404 "Non trouvé"]
Couverture : Jacques Picoux et Tseng Ching-chao - crédit photo Taipei Soir