La ministre québécoise des Relations internationales veut intégrer la défense des minorités sexuelles à sa politique extérieure, quitte à "créer un malaise" avec les pays récalcitrants.
"Il y a des dossiers dans lesquels on veut avoir un leadership, et le dossier LGBT en est un. On va être proactifs" annonçait aujourd'hui la ministre québécoise des Relations internationales et de la Francophonie, Christine St-Pierre. Interviewée par Le Devoir, la femme politique a expliqué son intention ferme d'inscrire la défense des minorités sexuelles dans la politique étrangère québécoise, au risque de froisser certains pays qui y décèleront une ingérence dans leurs affaires internes.
Le mois dernier déjà, Christine St-Pierre avait profité du XVIe sommet de la Francophonie organisé à Madagascar pour alerter ses homologues sur le sujet, et notamment sur la prévention des discriminations en milieu scolaire "où la violence liée à l'homophobie ou à la transphobie constitue un obstacle au droit fondamental à l'éducation". Sans succès. L'article qu'elle souhaitait inscrire au sein de la déclaration officielle ratifiée par l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) a suscité de vives réactions de la part de certains pays africains, et notamment du Cameroun, comme le rapporte le journal canadien. Parmi les 58 Etats membres que compte l'OIF, une douzaine criminalise encore l'homosexualité, et d'autres favorisent un climat hostile aux LGBT. Au sein de l'espace francophone, il existe donc des résistances, et une difficulté à "poser un geste politique" en direction des communautés LGBT. D'autant que pour certains, l'homosexualité et la transidentité apparaissent comme une "importation culturelle" de l'Occident.
"Il y a des pays qui vont nous dire qu’on se mêle de leurs politiques internes. C’est comme ça" a toutefois maintenu Christine St-Pierre au Devoir ,"je n’ai pas peur de créer un malaise, on n’est pas agressifs, mais on l’affirme : nos valeurs démocratiques incluent les droits des LGBT. (...) Ça va finir par rentrer".
Préférer la collaboration internationale aux écueils de l'impérialisme
Néanmoins, gare à qui voudra empiéter sur la politique intérieure de son voisin. Pour le politologue Stephen Brown cité par Le Devoir, l'action de Christine St-Pierre risque d'apparaître impérialiste aux yeux de certains. Elle pourrait aussi desservir les communautés LGBT locale qui seraient davantage discriminées par cette "attention internationale". Selon lui, la ministre québécoise des Relations internationales devrait plutôt s'appuyer sur les "militants locaux", "leur demander quelle stratégie serait selon eux la plus efficace" car "c'est eux qui vivent cette réalité au jour le jour". Bref, collaborer.
Mais alors, concrètement, que va donc faire le Québec pour lutter contre les discriminations liées à l'orientation sexuelle ou à l'identité de genre à l'échelle internationale ? La ministre a déjà annoncé qu'elle reviendrait à la charge lors de la prochaine rencontre francophone prévue en 2017, en s'entourant cette fois-ci de "membres alliés" tels que la Belgique ou la France.
La semaine dernière, Christine St-Pierre a également fait part d'un soutien financier record destiné à Fierté Montréal : 300.000 dollars canadiens (soit environ 215.000 €) seront accordés aux organisateurs de la Pride montréalaise afin qu'ils ajoutent à leur onze jours de programmation une conférence internationale sur "la diversité sexuelle et la pluralité des genres" dans l'espace francophone. Une autre manière de motiver la solidarité internationale.