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LGBTphobieSignification de "gay", "pd" et d'autres expressions étrangères pour parler des homos

Par Jérémy Patinier le 19/05/2017
expressions étrangères

En français, quand on veut "qualifier" les homosexuels, la langue est fleurie. Un peu trop verte même, souvent. On les ramène soit à des femmes, soit à des prostituées, ou encore à des déviants sexuels. Et ailleurs ?

Quelle est la signification du mot "gay" ?

Aux États-Unis, les jeunes s'exclament "It’s so gay" pour critiquer un pantalon trop fashion, une réaction trop émotive ou un sandwich au goût trop sophistiqué. Sans trop comprendre le côté homophobe de leur expression…

Au XVIIe siècle, le mot gay signifie comme en français joyeux, mais aussi insouciant, immoral, adonné au plaisir. Toujours à la même époque, c’est un mot d’argot pour "pénis". Au XIXe, to gay signifie "baiser". Et de fait, une gayhouse est un bordel. Dans les années 1890, gaycat signifie vagabond. Plus précisément : un vagabond débutant, un jeune qui rejoint la zone. Dans les cambriolages, les gaycats faisaient le guet pendant que les durs agissaient. Au repos, ils servaient de femelles aux anciens… dans le sens que vous imaginez ! Ces mœurs grossières "homo-sexualisent" le mot et lui donnent sa signification moderne.

Le terme commence à être utilisé en référence aux relations entre personnes de même sexe vers 1947, faisant la différence avec le terme trop médical d’homosexualité, inventé vers 1848. Progressivement, gay en est venu à être utilisé comme adjectif et parfois comme nom, en rapport aux personnes, aux pratiques et à la culture associées à ladite l'homosexualité.

Gay vous semble réducteur ? Pas de panique, il y a aussi une multitude de synonymes à "homosexuel" en français :

Il est de la fanfare, il est de Montauban, de la jaquette, de la Machette, pédé comme un foc (la voile arrière d’un bateau, pas l’animal), c’est un Achrien , un Androphile, un Bardache, un Bougre, un Corydon ou même un Évêque de Clogher, un Philopède, un Socratique, un Truqueur, un Uraniste ou encore un Unisexuel …

Vous avez le choix du roi (ou de la queen) pour vous déterminer si ni homo, ni gay, ni pédé ne vous conviennent…
Un panorama très exhaustif de ces expressions est détaillé dans le livre : Espadons, mignons et autres monstres, vocabulaire de l'homosexualité masculine sous l'Ancien Régime (Jean-Luc Hennig, éd. du Cherche Midi)... Les "frères, bardaches, Ganymèdes, fols et extravagants" recensés dans de très nombreux textes anciens n'auront plus de secrets pour vous !

"Pédé"/"PD" est-il une insulte ?

Les injures homophobes ne prennent pas une ride : on utilise les mêmes depuis plus d’un siècle, et elles viennent bien souvent d’expressions datant du Moyen-Âge. Non pas parce que le style des homophobes est le reflet d’une créativité atemporelle venue du fond des âges, mais simplement parce que les obsessions des homophobes à l’égard des homosexuels n’ont pas bougé d’un iota depuis des siècles.

L'insulte la plus répandue à l'encontre des hommes homosexuels est le mot pédé, ou "pd", version courte de pédéraste, mot désignant dans la Grèce antique un homme qui a des relations sexuelles avec de jeunes garçons. Apparu en langue française au XVIe siècle au sens d’"amour des garçons", c'est au XIXe siècle que le terme de pédéraste se diffuse plus largement en prenant la valeur erronée d'"homosexuel". Aujourd’hui l’homosexualité est légale, la pédophilie illégale. La pédérastie est autre chose : historiquement révolue et culturellement étrangère à nos us et coutumes.

Le diminutif pédé apparaît quant à lui vers 1836, suivi de sa féminisation pédale afin d’accentuation davantage sa signification dépréciative vers 1935, puis pédoque en 1953 et péd' en 1972. Le mépris porté à des choses manquant de virilité se déporte automatiquement vers cette expression : "C'est pas un truc de pédé", "on n’est pas des pédés"

L’injure, aujourd’hui banalisée à force d’avoir été entendue, est reprise par les homosexuels eux-mêmes (dans le titre du film Pédale douce par exemple…) pour se la réapproprier de façon ironique, même si l'usage de cette insulte est passible de condamnation… Oui, le mot pédé est donc toujours une insulte (et l'homophobie passible d'une amende pouvant aller jusque 50.000 € et un an de prison avec sursis), même si elle est devenue très banale. Et réappropriée par de fiers homosexuels.

Et ailleurs, comment surnomme-t-on ailleurs les homosexuels ?

Aux États-Unis :

On dit « Gay comme un geai » (Gay as a jay bird) ou « Gay comme une trompette » (Gay as a trumpet).

On est pas loin de l’expression « gai comme un pinson » en français, qui n’a pas de lien avec l’homosexualité, mais juste avec le bonheur. Le glissement entre les langues explique cette parenté…

En Angleterre :

On dit « Pédé comme une rangée de tentes » (Camp as a row of tents).

Il y a un jeu de mots avec « Camp » déjà, qui en anglais veut à la fois dire « un campement » et qualifie aussi les homos (cf. humour camp, qui est un humour queer et décalé). Alignés comme une rangée de tentes… on n'a pas d’explication logique, si ce n’est le côté « rang d’oignon »…
En Angleterre, on dit aussi :

« Aussi tordu qu'un billet de neuf shillings » (As bent as a nine-bob note)
« Aussi courbé que la jambe arrière d'un chien » (As bent as a dog's hind leg)
« Aussi bizarre qu'un billet de 2 livres » (As queer as a £2 note)

Tordu, courbé, bizarre, on a toujours considéré l’homo comme un « déviant », en marge, en décalage, mais parce que c’est surtout à cause de l’hétérosexualité des personnes qui ont inventé ces expressions, incapables de penser l’homosexualité en termes positifs.

En Espagne :

On dit « Pédé comme un canard » (Maricón como un pato).

Allez savoir pourquoi les canards, qui ne sont pas plus gays que les pinsons, sont affublés de ce qualificatif. En fait, en espagnol pato signifie aussi quelqu’un de négatif, sans grâce, risible. C’est par connexion avec son autre sens que les gens pensent maintenant dire pato dans le sens du canard… Alors que c’est à la base très injurieux.
Et aussi :

On dit « Plus pédé qu'un pigeon boiteux... » (Más maricon que un palomo cojo).

C’est une référence un peu grossière à la façon de marcher parfois un peu appuyé de certains garçons, mais c’est également un peu dépréciatif.

En Argentine :

On dit « Être plus pédé que les volailles » (Ser más puto que las gallinas).

Là aussi, on est parti du mot pato, proche de puto, pour désigner les homosexuels. On a mélangé le tout avec les volatiles et hop, nous voilà encore qualifiés de galinacées.

Aux Pays-Bas :

On dit « C’est une véritable cousine » (Hij is een echte nicht)

C'est très proche de notre français « c’est une tante ». Cette façon de désigner un homosexuel apparaît au XIXème siècle dans le vocabulaire des prisons. Il désigne alors un homme qui accepte des relations homosexuelles pour de l’argent. Le terme est néanmoins affectueux, familial, presque intime… Tout comme le mot tapette, qui semblerait être la féminisation de tapin, c'est la présomption qu’on ne peut être homosexuel que par autre intérêt que pur plaisir, ou identité.

Au Canada (Québec) :

On dit « Un senteux de pet » (on ne rentre pas dans les détails) pour qualifier un « fif » (abréviation de fifille – dit de façon péjorative).

Les insultes comme « folle », « fiotte » ou « tante » sont donc à la fois homophobes et sexistes : elles sous-entendent que les hommes homosexuels seraient en fait des femmes, et par là, sous-entendent aussi qu’il est honteux d’être une femme.