féminismeExposition : Les figures subversives, queer ou féministes qui ont fait la France

Par Julie Baret le 19/05/2017
Maison Rouge contre-cultures Esprit Français

Jusqu'au 21 mai 2017, la Maison rouge (Paris 12ème) expose Pierre et Gilles, Hocquenghem, Copi, Journiac, Courmes, Molinier, et tant d'autres artistes à l'origine de cet Esprit français fait de culture, mais surtout de contre-cultures.

Contre la culture... tout contre. Au début du XXe siècle, Sacha Guitry se disait « contre les femmes, tout contre. Parce qu’il faut garder ses amis près de soi et ses ennemis encore plus ». En 2017, la Maison rouge, ancienne usine réhabilitée au bord du port de l'Arsenal dans le XIIe arrondissement de Paris, revitalise cette relation du « je t'aime, moi non plus » dans L'Esprit français : Contre-cultures, 1969-1989.
Thématique et subjective, cette exposition éclaire les mutations culturelles à l’œuvre dans l’ombre d’une société du spectacle encensée par les médias mainstream, pour y déceler la genèse d’énergies nouvelles et séditieuses. Voyage entre les sillons de l’émancipation sexuelle, de la militance et du caustique rythmé par plus de 700 œuvres et documents signés par des figures subversives.
 

Maison Rouge contre-cultures Esprit Français
Alfred Courmes (1898-1993). "L'intervention de l'armée est demandée". Gouache sur toile. 1969. Paris, musée d'Art moderne.

 
Certaines sont féministes, d'autres sont queer avant l'heure, beaucoup sont iconoclastes. Alors que les premiers mouvements « homophiles » se mettent en branle, des artistes dessinent les courbes de cet "esprit français" anticonformiste, irrévérencieux et contestataire dans un pays qui ne s'aime pas. La France des années 70 pamphlétisée par Hara Kiri et les Éditions Champ Libre, décriée au micro des radios libres illégales ; La France qui craint Mesrine, qui chante La Marseillaise avec Gainsbourg et qui rigole avec Coluche ; la France des ouvriers, des femmes et des homosexuels filmée par « l’Insoumuse » Carole Roussopoulos. Le couple formé par Pierre Commoy et Gilles Blanchard sacrant les noms de la nuit underground en icône kitsch des temps modernes (cf. notre page sur leur expo à Bruxelles). Guy Hocquenghem qui performe mai 68 tandis que sa moitié de cœur, l’Argentin Copi, commente l’actualité du Libé derrière les traits de Libérett, personnage politiquement incorrect, ou enfile veste en cuir et bas résille pour interpréter les multiples rôles de sa pièce Frigo (1983). Un Michel Journiac travesti en lesbienne, en strip-teaseuse, en Vierge, en militante. Les peintures d’Alfred Courmes entrechoquant art chrétien et pop culture. Les autoportraits androgynes de Pierre Molinier en porte-jarretelle. Et bien d’autres électrons libres. Car sans avoir la prétention d’être exhaustive, cette cartographie dessinée par les commissaires Guillaume Désanges et François Piron s’oriente en direction de chapitres dissidents (sexualité, violences intérieures, sabotage de l’identité nationale…).
 

Maison Rouge contre-cultures Esprit Français
Michel Journiac, Hommage au putain inconnu, 1973. Courtesy Galerie Christophe Gaillard, Paris

 
C’est de l’art plastique, des tracts et du cinéma, de la vidéo et des journaux, de la bande-dessinée et du théâtre. Ce sont aussi des œuvres inédites commandées à Kiki Picasso (Il n’y a pas de raison de laisser le blanc, le bleu et le rouge à ces cons de Français, 2016-2017), Jean-Jacques Lebel (L’Internationale Hallucinex, 1970-2017), Claude Lévêque (Conte cruel de la jeunesse, 1987-2017) et Jean-Louis Costes. À contre-courant, à contre-culture, la Maison rouge ouvre la porte d’un chemin de traverse.
 
L'Esprit français, Contre-cultures, 1969-1989 à la Maison rouge (10, boulevard de la Bastille, 75012) jusqu'au dimanche 21 mai 2017.

Maison Rouge contre-cultures Esprit Français
Jorge Damonte, Copi prend la pose et réinterprète les personnages qu’il joue dans Le Frigo,créé le 7 octobre 1983 au Théâtre Fontaine (Paris). Costumes de Juan Stoppani

 
Couverture : Michel Journiac, La Strip-teaseuse Série « 24 heures dans la vie d’une femme ordinaire / Fantasmes », 1974. Courtesy Galerie Christophe Gaillard (photo tronquée).
 

Article extrait du numéro 213 (mars/avril 2017) de TÊTU.