Chaque été, le festival de musique Colours of Ostrava fait battre le cœur industriel de la République tchèque au rythme d’une programmation pointue et éclectique. Alt-J, Birdy, Benjamin Clementine et bien d’autres sont à l’affiche de la 17e édition qui commence le 19 juillet 2017.
À 300 kilomètres à l’est de Prague, plusieurs pachydermes de métal semblent s’être allongés, aux milieux des stands et des scènes de concerts. Chaque été, l’un des plus grands festivals de musique européens prend ses quartiers dans les hangars, les cokeries, et les anciens complexes miniers de la République. Quatre jours de fête et de concerts dans un « cœur d’acier » à ciel ouvert où la jeunesse tchèque s’adonne lors de la troisième semaine de juillet. Les allées et venues des mineurs ont laissé la place aux festivaliers, le conteneur à gaz est devenu auditorium, la tour d’extraction s’est transformé en bar d’altitude et l’une des stations d’énergie accueille la plus célèbre brasserie du pays.
Underground et bon enfant
Au milieu de ces monstres froids hérités du XIXème siècle, le public grouille : plusieurs milliers de spectateurs se pressent chaque année pour apprécier les artistes internationaux et les groupes locaux qui se succèdent sur l’une des vingt scènes que compte le festival; en 2013, Björk a élevé la programmation à une dimension internationale. En 2016, Colours of Ostrava est même entré au Panthéon des plus grands événement européens : le Guardian l’a classé parmi les 10 meilleurs festivals de musique de toute l’Europe.
Dans cette ville quasiment inconnue au-delà de la frontière tchèque, danse un public essentiellement tchèque et polonais, mais qui se diversifie à mesure que le festival gagne en notoriété à l’ouest comme à l’est. En 2016, les riffs tricolores de M83 ont été accueillis par l’explosion de confettis arc-en-ciel qui baptise le premier jour des Colours, tandis que les sons expérimentaux de Rone, DJ aussi venu de l’Hexagone, confortaient l’ambition pointue de la programmation.
Fortement marquée rock alternatif et electro, la line-up laisse aussi une large place aux musiques du monde, pop et expérimentales, complétant en 2016 sa panoplie des vocalises norvégiennes d’Aurora et de la performance psychédélique de l’artiste trans Anohni. Occasion de découvrir des artistes slaves, comme le remarquable duo des 2Cellos et leurs solos acérés sous la chaleur continentale de la région.
Pour autant, le festival ne veut souscrire à aucun genre. « Sans barrière » vis-à-vis de son public. Crew juvéniles frôlent donc les papas poules dont les enfants en-casqués aux couleurs d’Ostrava accrochés à leur épaule, et personnes en fauteuils roulants.
Pas besoin de jouer des coudes pour se faire servir une pinte de Radegast – la bière locale dont la brasserie fait le plaisir des touristes – à 1 euros, ou pour se frayer une place confortable à quelques mètres de la scène. Le festival permet aussi de déguster des plats de toute provenance pour une poignée d’euros, de danser au sommet de la butte Captain Morgan, ou de flâner dans l'exubérant stand du whisky Jack Daniel’s...
N’en déplaise aux festivaliers chevronnés ; un concert plus tardif, plus électro, et plus nerveux aussi saura tout de même être bousculé de quelques pogos. Chaque matin, sous le pâle soleil de l’aube, la dernière scène ouverte, un grand hangar dédiés aux DJ set, fait le vide de ses derniers initiés qui rentrent se reposer au camping ou dans les hôtels abordables des environs.
Ostrava par delà le passé minier
Ostrava est la troisième plus grande ville de République tchèque, résultat de sa force minière, anéantie à l’orée du XXIème siècle. Restaurée sous l’égide soviétique, bombardée en 1945, la capitale de la Moravie-Silésie est un drôle de mélange d’architecture, ponctuée par plusieurs mines devenues musées.
L’une d’elle a cessé son activité il y a moins de vingt ans, en 1998. Les conservateurs de la mine Anselm, à Landek Park, proposent de se glisser dans les galeries minières où les travailleurs passaient leurs journée, avec un parcours sportif pour s’essayer au sauvetage de ses compagnons. Dans celle de Michalkovice qui s’est éteinte en 1992, c’est grâce au discours des guides qu’on revit la routine des mineurs, les bruits assourdissants qui rythmaient leur travail, le poids des engins qu’ils embarquaient avec eux… Toute la vie quotidienne a été conservée avec soin, comme un écrin du riche passé de la région. Non loin de là, le Zoo d’Ostrava, plus grand jardin zoologique du pays, peut aussi être rejoint en transport en commun, en empruntant les trolleybus de la ville. Un peu plus loin mais toujours accessible par train ou par bus, la petite ville de Štramberk perchée sur le mont Kotouč en contrefort de la chaîne des Beskydes offre petites maisons colorées parcourues de ruelles étroites, vestige de château-fort et friandises locales : les oreilles de Štramberk.
Rendez-vous pour la communauté queer
La nuit venue, c’est la rue Stodolní qui bat son plein. Dans le cœur historique de la ville, l’artère déborde de bars, de clubs, et de restaurant. C’est le cœur palpitant de la ville minière ainsi que sa « rue de la soif ». La vie nocturne d’Ostrava attire chaque week-end des milliers de visiteurs et lui vaut même le surnom de “Sincity tchèque”, tandis que sa situation géographique lui confère la stature de lieu de rencontre pour la communauté queer de la Moravie, de la Silésie et des régions polonaises frontalières.
Dans ce pays d’Europe centrale perçu comme l’un des plus tolérant vis-à-vis des questions LGBT (le partenariat civil entre personnes de même sexe y est légal depuis 2006) et qui reçoit chaque année la visite de 400.000 touristes gays, Ostrava accueille chaque année une partie des événements du Mezipatra Queer Film Festival qui présente à Prague et dans d’autres ville tchèque des films internationaux sur les thématiques LGBT. Plusieurs fois par an, un tramway paré d’un drapeau arc-en-ciel fait le tour de la ville.
Du point de vue des spots gays, on retiendra le café Golden Age à l’angle de la rue Stodolní, le Klub Fiesta, plus vieux bar gay de la ville qui offre concerts et spectacles de drags aux milieux des miroirs depuis 33 ans. Le bar Ikarus, pour ceux qui sont prêts à danser jusqu’au petit matin. Enfin, le Beton prend la mesure du passé industriel de la ville. Situé dans d’anciens logements de mineurs dans le quartier Mariánské Hory, il est réservé pour ces messieurs. Il existe aussi une dizaine d’établissements gay-friendly, à l’instar du Rio City sur la rue Stodolní et de sa soirée du vendredi, pour faire la fête entre deux jours de festival.
Jamiroquai, Imagine Dragon, Justice, Alt-J, Moderat, LP, Benjamin Clementine, Faada Freddy, Walking on Cars, Fakear, Thomas Azier, Unkle, Nouvelle Vague et bien d’autres sont à l’affiche de cette nouvelle édition des Colours of Ostrava.
Colours of Ostrava, du 19 au 22 juillet 2017.
Retrouvez toute la programmation ici.
Plus d’informations sur le site officiel du festival.
Couverture : Colours of Ostrava 2016 ©Matyáš Theuer