Marche des fiertésAnne Hidalgo : "La Marche des fiertés doit pouvoir rayonner dans Paris"

Par Adrien Naselli le 23/06/2017
marche des fiertés 2017 interview anne hidlago

Pour la 40ème édition de la Marche des Fiertés, TÊTU a rencontré la maire de Paris Anne Hidalgo pour une interview sur les ambitions de la ville, qui veut devenir la capitale des LGBT.

C’est un moment fort et très attendu. Des dizaines de milliers de personnes vont défiler, samedi 24 juin, pour la Marche des fiertés à Paris sous le mot d’ordre : « PMA pour toutes sans condition, sans restriction, maintenant ». Lutte contre les discriminations et pour l’égalité des droits, perception de la Marche, financements et autres soutiens…  Alors que la Pride célèbre cette année sa 40ème édition, la maire PS de Paris, Anne Hidalgo, a répondu aux questions de TÊTU. Interview.
TÊTU: C’est une année particulière puisque la Marche de Paris fête ses 40 ans, comme l’annonce l’Inter-LGBT. Depuis vos débuts en politique, avez-vous perçu un changement de regard des Français.e.s et des élu.e.s sur cette manifestation commémorative et festive ?
Anne Hidalgo: Oui, le regard des Français évolue, grâce à des années de mobilisation, que nous devons en particulier aux associations. L’adoption de la loi sur le mariage pour tous, portée par Christiane Taubira, a évidemment été une étape décisive. Paris est aujourd’hui une ville reconnue dans le monde entier pour sa tolérance, son sens du vivre-ensemble et sa capacité à défendre les droits des personnes LGBTI. Mais ce combat contre les discriminations et pour l’égalité doit continuer. L’homophobie fait chaque année des milliers de victimes dans notre pays. C’est inacceptable. Nous devons poursuivre nos efforts, par de grands événements comme la Marche des fiertés et par des actions quotidiennes. Mon équipe, et en particulier Hélène Bidard, mon adjointe en charge de la lutte contre les discriminations, est très mobilisée en ce sens.
Le parcours de cette Marche lui confère une importance particulière en remontant une artère centrale telle que la rue de Rivoli. Etait-ce une volonté de défaire les frustrations du parcours de l’année précédente ? Et de suivre les préconisations de Jean-Luc Roméro-Michel sur « la revalorisation de l’identité LGBTIQ du Marais » ?
La Marché des fiertés doit pouvoir rayonner dans Paris de la même façon qu’elle fait rayonner Paris dans le monde. Je suis donc très heureuse que, pour ses 40 ans, nous ayons pu trouver un parcours en cœur de ville, empruntant la rue de Rivoli. Ce parcours est le fruit d’un travail très constructif entre l’Inter LGBT, la Ville et la Préfecture de Police. Je remercie d’ailleurs cette dernière, dont les agents veilleront cette année encore à la sécurité du public.
Beaucoup demandent une sanctuarisation de la date de la Marche pour lui donner une stature particulière. Cette option est-elle étudiée ?
C’est bien plus qu’une option : à l’occasion de la remise du rapport de Jean-Luc Romero, j’ai annoncé ma décision de sanctuariser définitivement le 3e samedi de juin comme étant la date de la Marche des fiertés à Paris. Cela nous assure d’installer durablement cet événement dans l’agenda festif, culturel et social de notre ville. C’est aussi un acte de mémoire, pour rendre hommage aux événements de Stonewall de juin 1969, à New-York, qui marquèrent une étape essentielle dans la lutte pour les droits LGBTI.
Contrairement à Barack Obama depuis huit ans, Donald Trump ne célèbre pas le « Pride Month ». À l’inverse, d’autres villes font des clins d’œil en repeignant des passages piétons ou en adressant de petites attentions. A Paris, comment avez-vous fait pour rendre ce mois des fiertés visible ? Vous envisagiez l’an dernier de pavoiser le parcours de la Marche aux couleurs de l’arc-en-ciel…
D’abord, en bâtissant avec l’Inter LGBT une programmation ambitieuse. Au-delà de la Marche des Fiertés, c’est toute une série d’événements, de rencontres, de débats, qui se tiennent pendant un mois à Paris. Nous avons développé une campagne de communication à part entière pour promouvoir la quinzaine des fiertés parisienne. L’Hôtel de Ville est pavoisé aux couleurs de la Marche et de la quinzaine des fiertés, des panneaux d’affichage Decaux portent des affiches de la Marche des fiertés, le Marais est piétonnisé et des passages piétons arc en ciel ont été dessinés. La Ville signe aussi cette année, pour la première fois, un accord-cadre avec l’Inter LGBT, qui s’accompagne d’une subvention financière et matérielle d’un montant total de 100 000 euros, ce qui fait de Paris la 1ère collectivité à accompagner la Marche des fiertés. Elle va donner les moyens aux acteurs associatifs de renforcer encore leurs actions.
 
La World Pride a lieu tous les cinq ans. Après Rome, Jérusalem, Londres, Toronto et Madrid cette année, Paris sera-t-elle à la hauteur pour accueillir un jour une telle manifestation ?
Paris a une culture unique de l’hospitalité. Elle organise chaque année des centaines de grands événements sur l’espace public et a développé une vraie expertise dans leur organisation. Nous pouvons donc tout à fait imaginer que notre ville accueille dans les années à venir la World Pride. C’est un projet à construire collectivement, avec les citoyens, les associations, les collectivités et l’Etat. Comme l’a proposé Jean Luc Romero, la coordination de tous ces intervenants s’engagera dès la rentrée et je suis confiante en notre capacité à avancer vers cet objectif si chacun le souhaite. Je suis, pour ma part, ouverte à une telle discussion.
Que pensez-vous de l’initiative d’Emmanuel Macron de confier la lutte contre les LGBTphobies et le dialogue avec les associations à sa secrétaire d’Etat Marlène Schiappa ?
Il est important que ces questions soit portées au sein du gouvernement. Je ne doute pas que Marlène Schiappa saura s’investir dans ce domaine et entendre les attentes légitimes des personnes LGBTI et des associations. La lutte contre les discriminations aurait néanmoins gagné à s’inscrire dans l’intitulé du Secrétariat d’Etat.
Vous lancez un mouvement avec Martine Aubry et Christiane Taubira. Comme vous le savez, cette-dernière demeurera une figure célèbre pour de nombreuses personnes LGBT. Pouvez-vous déjà nous parler d’un calendrier et nous donner une idée de la forme que prendra ce mouvement ?
C’est un mouvement citoyen que je veux résolument ouvert et participatif. Son objectif est d’identifier partout en France les initiatives qui réussissent, dans tous les domaines, afin de les promouvoir et de regarder s’il est possible de les reproduire dans d’autres territoires, à l’échelle de la France et même de l’Europe. Plus de 10 000 personnes ont déjà manifesté leur intérêt pour cette démarche. Nous avons tenu une première rencontre à Paris début juin. Une seconde est prévue dans le courant de l’été en zone rurale, aux côtés du président des Maires ruraux de France. D’autres suivront. Nous lancerons aussi à la rentrée une plateforme sur internet pour permettre aux citoyens de commencer à travailler en réseau.