Edith - surnommée Edie -Windsor a traîné en justice son propre gouvernement. Elle a arraché à la Cour suprême américaine les acquis du mariage hétéro et a pavé une voie royale pour la légalisation du mariage pour tous à l'échelle de tous les États.
Elle avait l'allure d'une grande dame de New-York, en tailleur chic - parfois troqué par une banderole arc-en-ciel ou un t-shirt "NOBODY KNOW I'M A LESBIAN" pour les manifs -, brushing impeccable et un éternel long collier de perles au cou. Pourtant, Edith Windsor s'inscrit dans la droite lignée des activistes LGBT qui bondissaient sur les voitures de Christopher Street, pancartes à la main, en 1969.
Edith Windsor est décédée mardi 12 septembre. Elle était âgée de 88 ans et avait apporté à l'Amérique l'égalité des droits devant le mariage, trois avant l'ouverture officielle de l'institution civile à l'ensemble du territoire.
Histoire d'amour
Née au beau milieu de la Grande Dépression, Edith Schlain a d'abord emprunté la couverture hétéro : en 1952 elle épouse Saul Windsor, un ami de son frère, dont elle se sépare moins d'un an plus tard, après "lui avoir dit la vérité." Pendant ses années de placards, elle trouve un emploi chez IBM grâce à sa maîtrise en mathématique. En 1967, elle tombe amoureuse de Thea Spyer, une éminente psychologue qu'elle a rencontré dans un restaurant friendly de Greenwich Village.
Les deux femmes se fiancent immédiatement mais ne se marient que quarante années plus tard. À la différence de la légalisation américaine qui s’y refuse, la loi canadienne enregistre leur union en 2007, devant un tout petit comité. "Moi j'avais le corps, mais elle était très belle", confie-t-elle au Time qui l'a élu Person of the Year en 2013.
En 2009, Thea Spyer est décédée, laissant Edith comme seule héritière. Mais en vertu du Defense of Marriage Act (DOMA), qui réduit officiellement la reconnaissance du mariage aux seuls "maris et femmes" depuis 1996. Elle ne peut bénéficier de l'exonération de la taxe foncière pourtant valable pour le survivant d'une union hétéro : le gouvernement fédéral lui réclame alors 363.053 dollars pour avoir hérité de la succession de sa femme. Avec son avocate, Roberta Kaplan, Edith Windsor décide de poursuivre son pays; elle a 80 ans. "Quand j'ai vu ça imprimé sur le brief - Edith Windsor contre les États-Unis d'Amérique - j'ai paniqué un instant", révèlera-t-elle plus tard au New Yorker.
Victoire historique
Mais le 26 juin 2013, la Cour suprême donne raison à Edith Windsor et raye la définition du mariage donnée par le DOMA pour inconstitutionnalité. La victoire d'Edith, en plus de renverser l'hétéro-normalité du mariage à l'américaine, a instantanément impacté la vie quotidienne des homos : les taxes fédérales imposées aux survivants se sont alignées sur celles des hétéros, de même que les avantages des vétérans de guerre et l'éligibilité à la carte verte pour les époux.
La décision est d'abord limitée à certains nombre d'État mais sert d'argument aux militants. L'administration Obama décidé également de mettre en œuvre la décision de la Cour afin que les couples homos bénéficient des mêmes droits, avantages et obligations fédéraux que les autres couplés mariés. Très rapidement, une douzaine de tribunaux fédéraux cite l'affaire pour bannir l'interdiction du "mariage pour tous." La Cour suprême assène un coup fatal en 2015, lorsque l'affaire Obergefell v. Hodges ouvre le mariage à l'échelle fédérale.
Mémoire vive
En apportant aux LGBT plus de dignité, Edith Windsor est devenue une héroïne de la cause gay, elle qui gonflait déjà les rangs des manifestations en faveur des droits LGBT depuis les années 70.
« Edie était la lumière de ma vie. Elle restera à jamais la lumière de la communauté LGBTQ qu’elle aimait tellement et qui l’aimait autant », a déclaré sa seconde épouse, Judith Kasen-Windsor, suivie de près par un hommage de Barack Obama en personne : « J’ai eu le privilège de parler avec Edie il y a quelques jours, et de lui redire à quel point elle a marqué ce pays que nous aimons. »
Le photographe américain Daniel Albanese a.k.a The Dusty Rebel, qui a capturé sa participation à la New York City Dyke March en 2016, lui a rendu hommage en postant cette vidéo jamais diffusée, où cette "pionnière des droits LGBT" dansait devant son objectif et les chants des participants poussés en son honneur :
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Couverture : crédit photo The Dusty Rebel/Instagram