“Je crois que la première fois que j'ai entendu le mot 'pédé' c'était de la bouche de mon père”, racontait sur Tumblr l’un des rares rappeurs ouvertement bisexuels.
J’ai lu dans le journal que mes frères étaient jetés des toits, les yeux bandés et les mains liées dans le dos, pour avoir violé la charia. (...) J’ai entendu mon pasteur parler pour Dieu aussi, en citant les écritures de son livre. Des mots comme des abominations sont sortis de ma peau comme de la graisse chaude, alors qu’il décrivait un lac de feu dans lequel Dieu voulait me faire rentrer. J’ai appris aux infos les suites d’un crime de haine qui laissait des tas de corps sur une piste de danse ce mois-ci. (…) J’ai entendu les médias dire qu’il était l’un des nôtres.
Juin 2016. Les États-Unis sont en deuil depuis qu'un tireur a ouvert le feu dans une boîte de nuit gay de Floride, le Pulse. Le bilan annonce 49 morts et autant de blessés : c’est la pire tuerie de masse que le pays ait jamais connu – la fusillade de Las Vegas a depuis raflé ce funeste titre… Dans les médias, les informations sur la vie du tueur du Pulse se délient. On apprend qu’il était un homosexuel refoulé, nourri d’une rage folle envers ce qu’il était. La communauté LGBT du pays est doublement dévastée : par la perte de siens et par les ravages de cette homophobie intériorisée.
"J'avais six ans"
Frank Ocean est l'un des seuls ténors du hip-hop à porter haut les couleurs queer. En 2012, il a publiquement annoncé son amour pour les hommes aussi.
À LIRE AUSSI :
Quelques jours après l'attentat d'Orlando, en même temps qu’il publie son hommage aux victimes (ci-dessus) sur son Tumblr, il relève un douloureux souvenir d’enfance :
J'avais six ans quand j'ai entendu mon père appeler notre serveuse transgenre de “pédé” tout en me traînant hors de ce restaurant de quartier et me disant qu'on ne nous servirait pas parce qu'elle était sale. C'était le dernier après-midi où j'ai vu mon père et la première fois que j'ai entendu ce mot, je crois, bien que cela ne me choquerait pas si ça n'était pas le cas.
Père contre fils à la barre
Huit mois plus tard, l’intéressé, Calvin Cooksey, réfutait l'épisode dans le magazine Rolling Stone, accusant son fils d’“imposteur” et d’“hypocrite” cherchant à faire gonfler ses ventes de disque. Dans la foulée, il lui intentait un procès pour diffamation, assurant que de tels propos avaient nui à sa réputation et “ruiné ses opportunités financières futures dans le cinéma et la musique” (Cooksey aurait écrit le scénario d'un thriller, dit son avocat). N'étant pas parvenu à convaincre Frank Ocean de retirer son post, il réclamait donc 14,5 millions de dollars à son fils… mais la justice n'a pas partagé cette grille de lecture.
À LIRE AUSSI :
La presse people américaine rapporte que mardi 17 octobre, un juge de Los Angeles a débouté Calvin Cooksey, arguant qu’il n’apportait pas suffisamment de preuves du préjudice professionnel. “C'était une bien triste affaire mais nous sommes ravis que cela finisse en faveur de Frank et que ce soit terminé”, a sobrement conclu l'avocat du rappeur en sortant de l’audience. De quoi proposer une nouvelle lecture de la fin d'un post de Frank Ocean posté l’année dernière :
Beaucoup nous détestent et souhaiteraient qu’on n’existe pas. Beaucoup sont contrariés par notre désir de se marier comme tout le monde ou d'utiliser des toilettes correctes comme tout le monde. Beaucoup ne voient pas le mal à transmettre les mêmes vieilles valeurs qui envoient des milliers d'enfants dans la dépression suicidaire chaque année. Alors nous parlons avec fierté et nous exprimons de l’amour pour qui nous sommes et ce que nous sommes.
À LIRE AUSSI :
Couverture : @itsfrankocean/Instagram