VIHProcès en diffamation contre Act Up : Ludovine de la Rochère s'obstine et perd

Par Julie Baret le 07/11/2017
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La présidente de la Manif pour tous avait fait appel de la décision considérant que qualifier son mouvement d'homophobe relèvait de la libre opinion.

 
Mis à jour le 23/01/2018 : La Cour de cassation a tranché ce mardi 23 janvier 2018, disculpant définitivement l'association Act Up-Paris (et sa présidente de l'époque, Laure Pora) dans le procès qui l'opposait à La Manif pour tous. Condamnée par la Cour d'appel de Paris en novembre 2016 pour "injure publique", Laure Pora avait dû verser 800 euros de dommages et intérêts et 1 500 euros pour les frais de justice à La Manif pour tous. L'ex-présidente s'était alors pourvue en cassation, et elle vient de gagner dans un arrêt qui stipule que le terme d'"homophobes", collé sur les affiches, "s'inscrivait dans le débat d'intérêt général sur la loi autorisant le mariage des couples de même sexe". Ludovine de la Rochère ne pourra donc plus dire que traiter son mouvement d'homophobe relève de la diffamation, ni qu'il s'agit d'une injure.
 
4 août 2013. Les mots “homophobes” et “shame” barrent le logo de la Manif pour tous, sur les affiches collées par Act Up-Paris contre les murs de la Fondation Jérôme-Lejeune. Celle-ci lutte (entre autre) contre l'avortement et emploie alors Ludovine de la Rochère, dont plusieurs adjuvant·e·s viennent d'exprimer leur sympathie pour la Russie homophobe de Poutine. Les activistes ont peaufiné leur zapping en bombardant du faux sang sur les affiches. En réaction, Ludovine de la Rochère porte plainte pour diffamation. Le jugement est rendu quatre ans plus tard, en janvier 2017 : le tribunal correctionnel de Paris estime que “le soutien à l'homophobie ou aux violence est une imputation vague et générale”. Des termes pas assez précis, en somme, pour donner lieu à un “débat contradictoire sur la preuve de la vérité” et donc être retenus comme diffamant; ils relèvent, selon le tribunal, de l'ordre de l'“opinion subjective”.
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Déboutée, Ludovine de la Rochère a fait appel de la décision, mais la Cour d'appel a confirmé le jugement en première instance, jeudi 2 novembre. “Cette décision s'inscrit dans la jurisprudence dégagée à la suite de la plainte de Frigide Barjot contre Jean-Pierre Michel”, salue l'association par communiqué : en 2013, le sénateur alors en charge du projet de loi sur le mariage pour tous affirmait que l'ancienne leadeuse de LMPT et consorts “représentent la pire des homophobies”. Le tribunal de grande instance avait démenti la diffamation au profit d'une simple “opinion publique”.

D'autres plaintes contre Act Up

L'association de lutte contre le sida n'est pas pour autant sortie d'affaire. En novembre 2016, Laure Pora, sa présidente au moment des faits, a été condamnée en appel pour “injure publique” contre la Manif pour tous. L'épisode reproché est le même mais la notion d'injure, à la différence de la diffamation qui porte atteinte à “l’honneur et à la considération” et qui peut faire l’objet d’un débat sur sa vérité, comprend “toute expression outrageante, termes de mépris ou invective” qui ne repose sur aucun fait. Le jugement, assorti de 800 euros d’amende, 800 euros de dommages et intérêts et 1 500 euros de frais de justice à la faveur de la Manif pour tous, a entraîné de vives réactions sur les réseaux sociaux, derrière le slogan #LaManifPourTousEstHomophobe, ainsi que dans la presse.
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Act Up-Paris annonçait dans la foulée que “l'association dans son ensemble endoss(ait) cette condamnation”, accompagnait son ancienne présidente dans le pourvoi en cassation et dénonçait la décision de la Cour d'appel “qui nous prive d'un moyen de nommer et de dénoncer les discours politiques de nos adversaires”. Elle continue de le marteler : “l'adjectif homophobe n'est pas une injure mais une caractérisation politique d'un propos qui méprise les gouines et les pédés, cautionne l'inégalité en droit avec les hétéros, aliment des discriminations et des violences.”
D'autres collectifs, à l'instar d'Act Up-Sud Ouest, sont poursuivis dans des circonstances similaires. Procès aussi symboliques que pratiques car ils font peser des “risques financiers non négligeables” sur les collectifs militants, alerte l'association mère qui attend courant 2018 la décision de la Cour de cassation dans l’affaire qui oppose Laure Pora à la Manif pour tous.
 
Photo de couverture : Zap d'Act Up-Paris devant la Fondation Jérôme-Lejeune en août 2013.