transidentitésUne association trans' dénonce le questionnaire « instrusif » d'un médecin parisien

Par Youen Tanguy le 28/09/2018
questionnaire

L'association OUTrans a déposé une plainte auprès de la CNIL et saisi le conseil de l'Ordre des médecins au sujet d'un questionnaire élaboré par un psychiatre parisien dans lequel il demandait à ses patients trans' des informations sur leur orientation sexuelle ou leur religion. Contacté par TÊTU, le médecin regrette une initiative « personnelle et naïve ».

L'alerte a été donnée par OUTrans. Dans un communiqué publié le 21 septembre dernier, l'association annonce avoir déposé plainte auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) après avoir découvert les pratiques d'un certain Docteur Sébastien Machefaux.

Ce dernier, psychiatre à l'hôpital Saint-Anne à Paris et membre de la Société française d'Etude et de prise en charge de la transidentité (SoFECT), reçoit à son cabinet de nombreuses personnes trans' désireuses d'entamer une transition médicale.

Religion, appartenance ethnique, statut sérologique...

Pour obtenir un rendez-vous avec le praticien, il fallait, de début 2017 à mi-2018, remplir un petit questionnaire. On y demandait notamment le nom, les prénoms, le statut marital, la profession ou le numéro de Sécurité sociale. Jusque-là rien de très étonnant. Mais, selon OUTrans, le fameux formulaire, que TÊTU a pu consulter, contenait des « questions sur la religion, l’appartenance ethnique et l’orientation sexuelle de la personne en attente de rendez-vous, ainsi que des membres de sa famille »

On y trouve aussi des questions intimes sur l'apparence physique des futur.e.s patient.e.s telle que : « Votre apparence est-elle masculine, féminine ? Est-elle crédible selon vous ? » ou le statut sérologique de la personne.

Une initiative « personnelle et naïve »

Dans son communiqué, l'association se dit « indignée de découvrir le contenu de ce questionnaire incongru, d’une intrusivité aussi éhontée qu’illégale. » La loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés interdit en effet la collecte et le traitement de telles données.

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Contacté par TÊTU, le Dr Sébastien Machefaux reconnaît l'existence de ce questionnaire mais évoque une initiative « personnelle, naïve et bien intentionnée, mais regrettable » et présente ses excusesPour autant, il ne comprend pas forcément la polémique : « Poser ces questions-là ne me choque pas, nous confie le praticien par téléphone. On a le droit de ne pas répondre, mais pourquoi on n'aurait pas le droit de les poser ? »

Il explique avoir commencé à envoyer ces documents début 2017 et y avoir mis un terme mi-2018. « Une patiente m'a informée du caractère très coercitif et intrusif des questions, nous explique-t-il. C'est là que j'ai arrêté. » Au total, entre 20 et 30 dossiers - depuis supprimés à en croire les dires du Dr Machefaux - ont été collectés depuis début 2017. 

Des « antécédents familiaux d'homosexualité » ?

Etait également demandé aux futur.e.s patient.e.s de consigner d'éventuels antécédents familiaux de « troubles d'identité de genre, d'homosexualité ou de bisexualité ». Des questions très intimes pour simplement obtenir un premier rendez-vous. Une démarche que le Dr Machefaux justifie ainsi :

« On s'est rendus compte qu'il y avait beaucoup d'antécédents familiaux de 'transsexualité' chez les personnes 'transsexuelles'», nous explique le médecin qui assure que « les données n'ont jamais été collectées pour une recherche ou un fichier », mais uniquement à des fins de « compréhension globale » de la situation des patients. Le médecin tient également à préciser qu'il a « eu quelques propositions spontanées de patients de venir témoigner en (sa) faveur. Et avec une perception bien différente de ce questionnaire. »

Et sur les questions problématiques touchant à la religion et à l'appartenance ethnique ? « Cela me permet de mieux comprendre et contextualiser la situation des personnes ». Et d'ajouter : « Dans le cas d'un jeune homme trans' du Pakistan, avec une famille extrêmement croyante et communautaire par exemple, cela peut être important. »

OUTrans réclame la dissolution de la Sofect

Des explications et des excuses qui ne convainquent pas du tout OUTrans. Dans un communiqué de presse à paraître vendredi 28 septembre, l'association dénonce un « tissu d'hypocrisies qui éclipse la réalité profondément dérangeante des pratiques du Dr Machefaux » et annonce sa décision de saisir également le conseil de l'Ordre des Médecins de la Ville de Paris ce jeudi 27 septembre.

Au-delà du cas précis du Dr Machefaux, OUTrans souhaite aujourd'hui attirer l'attention sur les pratiques de la SoFECT. La société, fondée en 2010, est régulièrement critiquée par les associations de défense des personnes trans'.

« On leur reproche, entre autres, d'avoir des critères discriminatoires pour accepter de suivre les gens dans leur protocole ou pas, nous explique Max de OUTrans. Comme par exemple le fait d'avoir eu des enfants, d'être trop masculin ou trop féminin ou encore de ne pas souhaiter de chirurgie. On leur reproche également de ne pas laisser aux patien.t.e.s le choix de leur médecin. C'est un vrai problème. »

 

Article co-écrit par Rozenn Le Carboulec

 

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