EXCLU TÊTU - Le 6 septembre dernier, l'hebdomadaire Paris Match publiait une photo du cadavre de Vanesa Campos, travailleuse du sexe tuée au bois de Boulogne à Paris. Ce 18 octobre, sa société éditrice a été condamnée à verser 12.000 euros de dommages et intérêts à la soeur de la victime.
Paris Match a été condamné pour avoir publié une photo du corps nu de Vanesa Campos, dans son numéro 3617, daté du 6 septembre. Dans son ordonnance de référé rendue le 18 octobre 2018, à laquelle TÊTU a eu accès, le tribunal de grande instance de Nanterre a condamné la société Hachette Filipacchi Associés, éditrice de l'hebdomadaire, la somme de 12.000 euros à Madame Maruja Campos Vasquez, soeur de la victime, « à titre de dommages et intérêts provisionnels en réparation du préjudice subi à la suite de l'atteinte à l'intimité de sa vie privée ».
Elle devra également verser à la plaignante 3000 euros « en application de l'article 700 du code de procédure civile », destinés à couvrir le reste les frais judiciaires. Celle-ci avait assigné l'hebdomadaire en référé, le 11 septembre dernier.
« Une volonté de recherche de sensationnel »
Dans son numéro daté du 6 au 12 septembre 2018, Paris Match avait consacré plusieurs pages au meurtre de Vanesa Campos, travailleuse du sexe transgenre tuée dans la nuit du 16 au 17 août 2018 au bois de Boulogne, à Paris. Le reportage s'ouvrait sur une double page comportant une photographie du corps nu de la victime, morte ou en train d'agoniser peu après son agression, gisant au sol. Ce qui avait fait réagir plusieurs associations accompagnant des personnes trans'.
Dans sa décision, le tribunal a considéré que « sa publication n'a pas néanmoins de caractère pertinent au regard de la globalité du reportage informant de façon exhaustive les lecteurs sur les raisons et circonstances de son agression mortelle ainsi que sur sa personnalité ».
Le jugement ajoute : « La publication de ce cliché témoigne dès lors d'une volonté de recherche de sensationnel non justifiée par les nécessités de l'information, alors qu'elle porte par ailleurs une atteinte manifeste à la dignité de la personne de Vanesa Campos en livrant sans motif légitime à la vue du public son corps nu gisant au sol et blessé après les violences subies ». En outre, sa diffusion constitue pour la soeur de la victime « dès lors qu'elle n'a pas reçu son assentiment, une atteinte manifeste à ses sentiments d'affliction en début de période de deuil, et en conséquence une atteinte non légitime à l'intimité de sa vie privée », a estimé le tribunal.
Une « première victoire »
L'association Acceptess-Transgenre, qui a accompagné et soutenu la soeur de la victime, « se félicite de cette première victoire » : « La recherche de sensationnel ne peut pas tout légitimer, et il est temps que la société, les politiques et les médias en soient convaincues aussi quand il est question des personnes trans, en particulier racisées et/ou travailleuses du sexe », conclut l'association dans un communiqué publié ce vendredi 19 octobre.
Crédit photo : Rozenn Le Carboulec.