Une émission de rencontres bisexuelles a été lancée fin octobre en Angleterre. Un moyen de "casser les préjugés" sur la bisexualité, selon sa présentatrice Courtney Act. TÊTU l'a interviewée pour l'occasion.
C'est une première en Angleterre. Depuis le 25 octobre, une nouvelle émission de dating (rencontres, NDLR) entièrement dédiée aux personnes bisexuelles et pansexuelles est diffusée sur la chaîne E!. Son nom : "The Bi Life". Les participant.e.s sont invité.e.s à découvrir leur sexualité et explorer qui elles et ils sont, certain.e.s pour la toute première fois.
L'émission, qui devrait arriver début 2019 sur E! France, est présentée par la drag queen et chanteuse, finaliste de la saison 6 de "RuPaul's Drag Race", Courtney Act (Shane Jenek de son vrai nom). Quels sont les préjugés qui persistent sur la bisexualité ? Pourquoi était-il temps qu'un show comme celui-ci soit lancé ? Interview sincère.
TÊTU : Comment avez-vous été approchée pour présenter le show ?
Courtney Act : C’est E! qui me l'a proposé. J'ai trouvé ça génial qu'une chaîne aussi mainstream (grand public, NDLR) ait envie de parler de bisexualité, un sujet tellement sous-représenté dans les médias. C’était pour moi une formidable opportunité d'intégrer un projet révolutionnaire, important et pionnier.
"Les bisexuels sont toujours un peu oubliés."
Il était temps qu'un show comme celui-ci arrive ?
Plus que temps ! Mais je pense que ça a mis autant de temps à venir car le queer n’est que récemment devenu acceptable et "cool" dans le milieu mainstream. La plupart des pays occidentaux ont légalisé le mariage pour tous, les droits des trans’ sont devenus des sujets de discussion publique, mais les bisexuels sont toujours un peu oubliés.
Est-ce que la bisexualité est mal comprise ?
Oui, clairement. Un des préjugés les plus tenaces est de croire que les bisexuel.le.s sont attiré.e.s par les femmes et les hommes à 50/50. Ça n’est pas le cas. Les bi.e.s peuvent être attiré.e.s par plusieurs genres, de plusieurs façons, à des moments différents. Vous pouvez très bien être attiré.e par les hommes sexuellement et par les femmes émotionnellement, ou inversement. Souvent, les gens vont vite pour catégoriser les gens bisexuels de manière très binaire d'un côté ou de l’autre. Je pense que la sexualité évolue sur un spectre et que l'on peut se situer où l'on veut. Il n'y a pas les hétéros d'un côté et les homos de l'autre.
De qui viennent le plus ces préjugés ?
Ce qui est surprenant, c'est que la plupart des préjugés viennent des gays qui ne comprennent pas vraiment ce que c’est que d’être bisexuel. Ils pensent que ça n’existe pas et que les hommes bisexuels sont forcément des gays refoulés. C'est peut-être parce beaucoup d’hommes ont utilisé la bisexualité comme une étape transitoire dans leur acceptation de soi...
N'aviez-vous pas peur pendant le tournage d'alimenter les préjugés sur la bisexualité justement ?
Je pense avoir fait un bon travail pour que l'émission soit la plus intègre possible. Car ça aurait pu facilement se transformer en une série 'trash' ! Mais la chaîne voulait vraiment que l'on fasse une émission qui casse les préjugés sur les bisexuels et je crois que l'on a réussi.
"C'est bien de dire quels sont les préjugés, c'est mieux de les voir se déconstruire sous vos yeux."
Un exemple concret ?
Dans l’épisode 3, une des participantes est en rendez-vous avec un homme. Quand elle lui dit qu’elle est bisexuelle, il lui répond direct : 'cool, si tu veux ramener d’autres femmes dans la chambre c’est top !'. Elle le reprend et lui explique que ce n’est pas ça la bisexualité. C'est bien de dire quels sont les préjugés, c'est mieux de les voir se déconstruire sous vos yeux. La plupart des personnes avec des a priori sont juste ignorants. C'est très bien si cette émission peut les éduquer et leur faire comprendre deux ou trois choses.
Comment s'est passé le tournage ?
C’était tellement drôle. Nous avons créé des liens presque familiaux très rapidement. En fait, la plupart des candidats se sont rendu compte qu'ils n'avaient pas l'habitude de côtoyer d'autres personnes bisexuelles. C'était génial pour eux de se retrouver.
Dès le début de la série, vous parlez de votre propre sexualité. Est-ce que c'est un peu votre coming-out bisexuel ?
Pas du tout. Je me définis comme pansexuel et j'en ai déjà beaucoup parlé, notamment dans "Big Brother". Il y a quelques années, je me suis d’abord identifié comme gay. Ce n'est qu'après que j’ai envisagé ma sexualité sur un spectre plus large. J'ai trouvé que les termes 'gender queer' et 'pansexuel' correspondaient beaucoup plus à qui j'étais. Je ne suis clairement pas attiré par les femmes et les hommes à 50/50. La majorité de mes attirances sont pour les hommes. Mais je suis attiré par les femmes trans' avec qui j’ai déjà eu des expériences et avec qui je continuerai d'en avoir.
"Le message est clair : 'N'ayez pas peur de qui vous êtes. Au contraire, profitez-en !'."
Plus de gens devraient s'ouvrir à d'autres expériences ?
Oui, je crois. La plupart des gens ont une façon de réfléchir très binaire. Si une personne se disant hétérosexuelle a couché avec quelques hommes, tous les gays diront qu'il est gay. On dirait qu'il n’y a pas d'entre deux. Tout le monde devrait pouvoir s’identifier comme il le souhaite sans avoir peut d'être catégorisé par les autres. Si on pouvait casser ces idées reçues, on trouverait un espace plus fun pour tout le monde. Plus de personnes baiseraient (rires). Les gens ont souvent peur d'explorer leurs sentiments. Ils se sentent isolés et disent que ça n'est pas normal. C'est super que l'on puisse parler de tout ça dans l'émission. Le message est clair : 'N'ayez pas peur de qui vous êtes. Au contraire, profitez-en !'.
Vous étiez finaliste de la saison 6 de "Rupaul's Drag Race". Est-ce que ça a été une expérience déterminante dans votre carrière ?
Je pense que RuPaul m’a fait connaitre dans le monde entier car cette émission a des fans partout ! J'ai fait une performance à Paris il y a quelques années et j'avais peur que personne ne vienne. Mais c’était plein à craquer ! Ca n'était pas encore diffusé à la télévision française, mais beaucoup de gens sont venus nous voir. Le public était très diversifié, avec des femmes hétéros, des gays, des jeunes, des vieux... Et maintenant les filles amènent leurs mecs, hétéros donc. C’est intéressant car les hétéros commencent eux aussi à découvrir et apprécier la culture drag.
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Crédit photos : E! channel.