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politiqueFrançois-Xavier Bellamy, le candidat réac des Républicains pour les européennes

Par Youen Tanguy le 08/02/2019
françois-xavier bellamy

Laurent Wauquiez a tranché : c'est l'élu versaillais François-Xavier Bellamy qui mènera la liste Les Républicains (LR) pour les élections européennes. En misant sur un profil "tradi-catho", anti-IVG et contre le mariage pour tous, le président du parti fait le pari de l'ultra-conversatisme.

La barre à droite toute. Le philosophe François-Xavier Bellamy a été choisi, le 28 janvier dernier, pour conduire la liste Les Républicains aux élections européennes. Une décision stratégique pour le patron du parti, Laurent Wauquiez, qui entend ainsi rallier la frange la plus catholique de son électorat qu'il craint de voir glisser vers l'extrême droite.

Mais cette nomination est loin de faire l'unanimité. Pire, elle divise jusque dans les rangs du parti lui-même. "Ce choix provoque un très grand malaise parmi les élus LR, assure à TÊTU l'ancien député Frédéric Lefebvre, qui a quitté l'UMP (ancien nom des Républicains) en juin 2017. Des maires, des députés et des sénateurs sont choqués. Ils ne comprennent pas." Pour lui, "Bellamy est le choix d’une droite rétrécie, qui tourne le dos à ses valeurs humanistes, gaullistes et libérales". Le président du Sénat, Gérard Larcher, a de son côté assuré que Bellamy n'était pas son "choix" et qu'il ne cochait "pas toutes les cases pour être tête de liste".

Un profil "premier de la classe"

Ex-étudiant brillant - classe préparatoire au lycée Henri-IV, université de Cambridge, Normale sup' et agrégation de philosophie -, auteur d'essais et jeune enseignant en prépa, le candidat de 33 ans a grandi à Versailles. Ce fils d'une professeure de français et d'un père "dans les assurances" est connu pour ses positions ultra-conservatrices sur les sujets sociétaux et les questions liées à la famille. En clair : le parfait profil du 'premier de la classe'. "Je coche décidément beaucoup de cases qui contribuent à forger un stéréotype idéal", ironisait-il d'ailleurs auprès de nos confrères de l'AFP en janvier dernier.

Le trentenaire, aux yeux bleus et aux costumes toujours impeccables, s'est fait connaître en 2006 en participant à une manifestation contre la tenue d'une exposition de mode au sein de la Chapelle royale du château de Versailles. Quelques mois plus tard, il devient la plume du ministre de la Culture, Renaud Donnedieu de Vabres, avant d'intégrer les cabinets ministériels de Rachida Dati et Nathalie Kosciusko-Morizet. La maire du VIIe arrondissement de Paris avait d'ailleurs confié qu'elle n'aurait "peut-être pas" choisi le philosophe comme tête de liste.

Premier rang de La Manif pour tous

Bellamy refait parler de lui en 2008, à Versailles. Alors âgé de seulement 23 ans, il participe aux élections municipales sur la liste LR de François de Mazière et devient ainsi l'un des plus jeunes adjoints au maire de France. On le retrouve quelques années plus tard, en 2013, au premier rang des manifestations contre la loi Taubira, écharpe tricolore à l'épaule. Il participera, dans la foulée, à la création de Sens Commun, un mouvement politique très conservateur lancé dans le sillage des Manifs pour tous.

Contactée par Têtu, Madeleine de Jessey, l'une des fondatrices et porte-parole de Sens Commun, a répondu par la négative à notre demande d'interview. "Mon témoignage ne vous apportera rien que vous ne sachiez déjà, nous explique-t-elle dans un SMS. M'interroger serait par conséquent pour vous une perte de temps plus qu'autre chose."

L'homosexualité, "un choix"

Et si l'homme politique n'a jamais caché son opposition aux droits des personnes LGBT+, il est passé à la vitesse supérieure en 2016. Dans une vidéo exhumée par le compte Twitter Avis Défavorable, l'adjoint au maire de Versailles expliquait aux "Éveilleurs d'Espérance", association catholique versaillaise, dont il a participé à la création en 2013, qu'orientation sexuelle et identité de genre étaient "des choix".

"Si je veux choisir d'aimer un homme si je suis un homme, je veux avoir le droit" de le faire, explique-t-il avant de s'amuser, face à une foule hilare, de l'acronyme LGBTQI+. "Le grand débat dans les groupes LGBT est qu'il faut ajouter absolument QI, parce que, quand même, il faut ajouter une troisième voie, un troisième choix, sinon c'est vraiment déprimant." L'association des Éveilleurs avait fait parler d'elle en mai 2018, en invitant l'ex-députée FN Marion Maréchal-Le Pen. Fin novembre, cette dernière voyait d'ailleurs dans la personnalité de François-Xavier Bellamy une opportunité "d'alliance". Ce que le principal intéressé conteste.

Anti-PMA, anti-IVG...

L'intello conservateur s'en prend aussi régulièrement aux femmes. En 2017, il avait considéré dans les colonnes du Figaro que l'ouverture de la PMA à toutes les femmes "constituerait le point de bascule vers le transhumanisme". "Qu'il serait fou d'imaginer que nous serons plus heureux en poursuivant, comme un mirage destructeur, la surenchère infinie de nos désirs, qu'aucune transgression nouvelle ne suffira à satisfaire", plaidait-il alors.

Plus récemment, il confirmait au JDD (le 20 janvier dernier) avoir participé "deux ou trois fois" aux "Marches pour la vie", des manifestations anti-IVG qui réunissent chaque année quelques milliers de personnes à Paris. Il y confiait aussi être "personnellement" opposé à l'avortement. Une position qui lui avait valu de s'attirer les foudres de la secrétaire d'État Marlène Schiappa, qui a fustigé sa nomination sur Twitter.

"On voit défiler une génération d’intellos jeunes de droite ayant pignon sur rue au Figaro et à Valeurs actuelles et qui s’expriment régulièrement sur les questions de société, assène Frédéric Lefebvre. François-Xavier Bellamy est juste parfait comme tête de file pour cette stratégie."

Une maigre carrière politique

Au-delà de ses positions - on l'a vu, ultra-conservatrices - ses collèges républicains lui reprochent son manque de "sens politique". Candidat LR aux législatives de 2017 dans la très conservatrice et droitière première circonscription des Yvelines, à Versailles, il avait échoué à se faire élire face à l'élu LREM Didier Baichère. Ce dernier, qui a côtoyé Bellamy dans les couloirs de la mairie de Versailles, se souvient d'un homme "poli et discret", mais au conservatisme déjà très affirmé. "Il n'a jamais cherché à cacher ses opinions." Contacté à plusieurs reprises pour obtenir une interview de François-Xavier Bellamy, le service de presse des Républicains n'a jamais répondu à nos sollicitations.

En optant pour le trio Bellamy-Evren-Danjean pour les européennes du 26 mai prochain, Laurent Wauquiez dit avoir voulu "envoyer un message très fort de rassemblement de toute la droite" pour "déjouer les pronostics". Reste que le conservatisme du premier risque de donner du grain à moudre à ses opposants politiques. Frédéric Lefebvre résume d'ailleurs bien les choses : "On remplace le Parisianisme des Républicains, décrié à juste titre, par un 'versaillisme' propre sur lui et une liste "Neuilly/Auteuil/Passy". Pas de quoi rassembler les sympathisants de droite au-delà de Versailles.

Article co-écrit avec Marion Chatelin.

Crédit photo : CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP