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musiqueInterview d'Helena Noguerra : "A cinq ans, mon fils m'a demandé si les homosexuels étaient heureux"

Par Alexis Patri le 26/03/2019
Helena Noguerra

[PREMIUM] Alliée discrète, Helena Noguerra sort vendredi 29 mars "Nue", son nouvel album solo, après la tournée avec la nouvelle version du groupe Les Parisiennes. L'occasion pour TÊTU de discuter avec elle de sa carrière, de ses engagements, de Vincent Dedienne. Interview.

Elle a tourné avec la chanteuse lyrique Nathalie Dessay, joué dans "L'Arnacoeur" et présenté les deux premières éditions des César belges. Pourtant, Helena Noguerra concède sans gêne que le grand public connaît son visage sans forcément savoir ce qu'elle fait. L'artiste est toutefois sur tous les fronts : disques et tournées avec différents groupes, livres, pièces de théâtre, cinéma... Et elle sortira ce vendredi 29 mars "Nue", son nouvel album solo. Le premier depuis 2013. Un disque qui navigue vaillamment entre bossa nova, folk et chanson française.

TÊTU a rencontré l'artiste pour parler de sa musique, mais aussi de Vincent Dedienne ("l'homme idéal", selon elle) et de son fils mannequin. Sans oublier certains des combats pour lesquels elle prête sa voix dès qu'on le lui propose : droits des femmes, lutte contre l'homophobie et droits des LGBT, accueil des migrants. Des engagements nombreux, qui sont à l'image de sa carrière : discrets mais constants.

Tu reviens avec "Nue", ton premier album solo depuis "Année Zéro", en 2013. Après deux livres, plusieurs pièces de théâtre et quelques duos, la chanson en solo commençait à te manquer ?

Pas exactement. Je n'ai pas eu d’élan soudain où je me dis « ça fait tant de temps, il faut s'y remettre ». Depuis le denier album, il y a aussi eu la tournée avec Nathalie Dessay, Agnès Jaoui et Éliad Cohen, et puis Les Parisiennes, donc j'ai fait beaucoup de choses musicalement. Et pendant ce temps, j’écris aussi des chansons sur un bord de cahier, inspirées par une rencontre, un dialogue de film, ou une phrase entendue dans la rue, dans la bouche d’un copain ou d’une copine. Les textes et les mélodies s'accumulent et le temps vient, un jour, de les enregistrer. Mais je n’ai pas ressenti de manque. Je suis quand même dans une forme d’hyperactivité avec tous ces différents projets.

Dans cet album, il y a un titre qui a forcément attiré notre oreille, c'est "Je Mens", en duo avec Vincent Dedienne. Pourquoi l'as-tu choisi pour cette chanson d'amour ? C'est un ami ?

Pas du tout ! Vincent est venu nous voir dans Les Parisiennes, il a aimé. Et puis je l’ai recroisé sur une émission où je refaisais le sketch du slow avec Arielle Dombasle. Quelques jours après, je cherchais quelqu’un pour ce duo. Je me suis dit « mais oui, l’homme idéal, solaire, ça pourrait être lui ». Il a accepté le projet et c’est chouette parce qu’il chante en plus très bien. J'ai adoré le tournage du clip à Nice avec lui. Nous nous sommes baignés en plein mois de novembre, il n'en revenait !

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Est-ce qu'on est plus à l'aise pour chanter une histoire d'amour quand on le fait avec un homme gay ?

Ça ne change rien parce que, comme on est comédiens, l’ambiguïté est d'office dépassée. Nous sommes dans le jeu d’acteurs. Je pense que Vincent était aussi tout à fait à l’aise avec ça. Mais il est vrai que j’aime bien quand il y a une ambiguïté cachée, où tout est un peu mélangé et que ça ne rentre pas dans les « rails ». Dans la même idée, j’avais fait un duo avec Marie-France [Garcia, ndlr] et l’on chantait une histoire d'amour lesbienne, en fait.

Interview d'Helena Noguerra : "A cinq ans, mon fils m'a demandé si les homosexuels étaient heureux"

"Les Rolling Stones, c’est déjà presque trop violent pour moi."

Dans le titre "A Ta Manière", de quoi parles-tu ? 

C’est une petite moquerie des gens qui ne changent jamais leur manière de faire, de voir les choses. Ceux qui te disent « bah quoi, je suis comme ça ! » et qui s'en servent comme excuse pour nous pas évoluer.

Dans cet album, beaucoup de titres semblent inspirés de la bossa nova. Pourquoi ?

J’aime beaucoup ce style musical. Mon album "Azul" était déjà de la bossa nova. J’avais écrit toutes les paroles en portugais et Philippe Katerine avait composé les mélodies. Avec « Nue », j’ai eu envie de faire un petit frère à cet album, mais en français, cette fois.

Et en dehors de la bossa nova, tu écoutes quoi d'autre chez toi ?

J'adore la folk : Nick Drake, Elliott Smith, Karen Dalton. J'écoute aussi beaucoup Beck, Jay-Jay Johanson. Plus récemment, j'ai eu un coup de coeur pour Clara Luciani. De manière générale, je préfère les voix des chanteuses, je pense que je m'identifie plus facilement. Et j’aime quand c’est calme. Les Rolling Stones, c’est déjà presque trop violent pour moi (rires).

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Interview d'Helena Noguerra : "A cinq ans, mon fils m'a demandé si les homosexuels étaient heureux"

En 2013, tu signais, avec d'autres artistes et personnalités, une tribune en faveur du mariage pour tous. Pourquoi cela te tenait-il à coeur ?

Si ma voix peut aider une minorité, je fais ma part. Je trouvais très bizarre, qu’en France, le mariage des couples homos ne soit pas permis. Au Portugal, qui est un pays très chrétien, et qui semble beaucoup plus reculé et conservateur, c’était légal. En Belgique aussi.

"Mons style de femme, c'est Mareva Galanter. Je pourrais l'épouser."

Deux années plus tôt, tu jouais la femme de Muriel Robin dans « On choisit pas sa famille », un film sur l'adoption homoparentale. On n'attendait pas Christian Clavier à la réalisation d'un tel long-métrage, surtout quand on voit ceux dans lesquels il tourne maintenant...

Même moi j’étais étonnée ! Je crois que Christian ne savait pas trop quoi penser de l'adoption par les couples homos. Il était curieux et voulait poser la question avec ce film, là où Muriel et moi étions à fond pour ! Le film n’a pas très bien marché, mais c’était une comédie à vocation populaire. Nous étions persuadés que c’était bien de le faire, pour rendre la chose envisageable pour le grand public.

Muriel Robin, c'est ton style de femme ?

J’adore Muriel, mais mon style de femme ce serait Mareva Galanter. Depuis la tournée des Parisiennes, je l’adore. Je pourrais l’épouser. J’écris en ce moment des chansons pour elle, j'aimerais qu'elle chante mes mots.

Interview d'Helena Noguerra : "A cinq ans, mon fils m'a demandé si les homosexuels étaient heureux"

Ton engagement en faveur des LGBT vient-il d'un événement particulier de ta vie ? 

Je n'ai pas souvenir d'un événement précis. Cette communauté a toujours été autour de moi. J'ai commencé le mannequinat à 14 ans, j'en ai bientôt 50. A l'époque, la mode était le milieu le plus ouvertement gay, peut-être le seul. Quand mon amie Marie-France [Garcia, chanteuse et actrice transgenre, ndlr] est revenue de son opération au Brésil, elle blaguait en nous disant : "Les filles, vos chattes sont vieilles et elles puent. La mienne est toute neuve !". Puisque cela se passait, j'ai toujours considéré que c'était normal. Surtout, je pensais que tout le monde partageait cet avis. Je n'ai perçu la violence de l'homophobie que bien plus tard.

Tu revendiques ton féminisme. Est-ce que les discriminations subies en tant que femme t'aident à comprendre le sort des autres minorités pour lesquelles tu t'engages ?

Bien sûr ! Quand on fait partie d’une minorité, je pense qu’on se rend plus facilement compte que "l’homme blanc hétéro" de ce qu’on peut vivre nous tous, autres que lui. Mais ce n’est pas automatique. J’étais très étonnée gamine de voir des copains arabes anti-Juifs. Je ne comprenais pas qu’on puisse subir le racisme en France et être soi-même raciste, mais ça peut exister.

"Tant qu'il y aura de la haine, il faudra de la fierté."

En tant que maman, est-ce qu'on se pose la question de l'homosexualité de son fils ?

Bien sûr. A cinq ans, Tanel m'a demandé : "Maman, est-ce que les homosexuels sont heureux ?". J'ai pensé que c'était une question pour lui-même. Je lui ai répondu que tout le monde cherchait le bonheur, et qu'être homo n'y changeait rien. Je lui ai épargné l'idée que cela pourrait être plus difficile de s'imposer socialement.

Entre toi, ta soeur Lio qui a toujours été une alliée des LGBT, vos brunchs en famille doivent être très gay-friendly...

Oui ! (rires) Surtout avec l'une de mes nièces qui va "de l'un à l'autre", mais qui met souvent un t-shirt "team gazon". Et je comprends ce besoin d'affirmation, comme une petite provocation. C'est comme la Marche des Fiertés : tant qu'il y aura de la haine, il faudra de la fierté et il faudra se donner de la force en étant ensemble.

Article mis à jour le 27 mars à 9h30.

Crédit photo : DR.

https://tetu.com/2019/01/25/decouvrez-je-mens-duo-ensoleille-dhelena-noguerra-et-vincent-dedienne/