Marche des fiertésEn Géorgie, une "milice populaire armée" menace les personnes LGBT+

Par Youen Tanguy le 21/06/2019
géorgie

Selon l'ONG Amnesty, une "milice populaire armée" anti-LGBT, visant à "éradiquer le pêché et l'hérésie" s'est créée le 16 juin dernier en Géorgie, à quelques jours de la semaine des fiertés.

C'est une information très inquiétante pour la communauté LGBT+ géorgienne. L'homme d'affaires local Levan Vassadze a récemment créé le "Conseil des vrais hommes", une "milice populaire" visant à "éradiquer le pêché et l'hérésie" et "défendre les valeurs traditionnelles", révèle Courrier International.

Interrogée par TÊTU, Nina Walch, chargée de campagne du programme "Protection des populations" pour la branche française de l'ONG Amnesty International, explique que cette "garde civile" date du 16 juin dernier et compte déjà "des dizaines de 'membres' armés de matraques en bois". Elle ajoute que Levan Vassadze aurait des liens "très étroits avec l'Eglise orthodoxe".

L'influence de l'Eglise orthodoxe

L'Eglise orthodoxe géorgienne, très fortement majoritaire puisqu'elle regroupe plus de 80% de la population, est connue pour son conservatisme. Bien qu'officiellement séparée de l'Etat, elle joue un rôle prépondérant dans la vie sociale et politique du pays.

Le patriarche Ilia II, 86 ans, très influent, estime que l'homosexualité est une maladie comparable à une addiction à la drogue et a aussi appelé les autorités à interdire l'avortement.

La Marche des Fiertés annulée ?

Cette nouvelle intervient alors que se tient du 18 au 22 juin la première Semaine des Fiertés des LGBTI en Géorgie et dans le Caucase du Sud. Mais, selon Amnesty International, "les organisateurs ont reçu de menaces de mort" et la la marche publique, qui devait se tenir ce week-end à Tbilissi, pourrait bien être annulée.

Autre raison invoquée : les violences qui se sont déroulées dans la nuit de jeudi à vendredi devant le Parlement géorgien à Tbilissi. Jusqu'à 10.000 personnes s'étaient réunies pour protester contre l'intervention d'un député du Parti communiste russe, Sergueï Gavrilov.

Les protestations ont été marquées par des affrontements qui ont fait 240 blessés - dont 160 manifestants et 80 policiers - et conduit à 305 arrestations, selon les autorités.

Enquête ouverte

"Le ministère des affaires intérieures a rencontré les organisateurs de cette marche et leur a suggéré d’annuler l’évènement", explique Nina Walch. Pourquoi ? "Car la police ne serait pas en mesure d’assurer la sureté des participants.". "C’est pourtant à l’Etat de prendre toutes les mesures pour protéger la marche des fiertés", s'agace la militante.

"Alors certes, le ministère des affaires intérieures a ouvert une enquête pour 'création de formation illégale', abonde-t-elle. Mais d'un autre côté ils suggèrent aux organisateurs de la Pride de ne pas marcher. Le gouvernement promeut des lois mais, dans les faits, il ne se passe rien. C'est totalement contradictoire."

"Etre homosexuel en Géorgie entraine des discriminations et des violences quotidiennes"

Depuis 2014, les discriminations fondées sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre sont interdites en Georgie, mais les personnes LGBT+ restent encore très stigmatisées. "La société géorgienne est très LGBTphobe", estime Nina Walch qui se souvient d'une "enquête menée en 2014 qui avait montré que presque la totalité des personnes interrogées jugeaient l’homosexualité inacceptable".

Et de conclure : "Etre homosexuel en Géorgie entraine des discriminations et des violences quotidiennes"

Crédit photo : Movement for Equality/Facebook.