Une récente décision de la Cour constitutionnelle de Pologne ultra-conservatrice et dangereuse pour les LGBT+ inquiète. La "liberté de conscience" est désormais un motif valable permettant à des commerçants de refuser de servir les clients au nom de leurs convictions religieuses.
La Pologne fait un pas de plus dans la restriction des droits des personnes LGBT+. Selon la décision de la très conservatrice Cour constitutionnelle en date du 26 juin dernier, un commerçant qui refuse une vente à un client homosexuel au nom de ses convictions religieuses ne sera pas sanctionné.
En 2016, un imprimeur avait refusé la vente d'affiches à une association LGBT+ polonaise au motif qu'il ne voulait pas "participer à la promotion des LGBT+ à travers son travail" . Pourtant condamné en première instance et en appel, son histoire à visiblement choqué le ministre de la Justice, Zbigniew Ziobro, qui a décidé de saisir la Cour constitutionnelle.
La liberté religieuse au profit du principe d'égalité
L'information, repérée par Courrier International, a fait la une de l'hebdomadaire polonais plutôt de gauche, Polityka, le 3 juillet dernier. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que la couverture est plutôt claire. Les journalistes ont titré : "Nous ne servons pas ces clients."
"La Cour constitutionnelle laisse ainsi pratiquement sans protection les personnes handicapées interdites d’entrée aux restaurants, ou bien les mamans refoulées des magasins lorsqu’elles donnent le sein", écrit le journal polonais avant de poursuivre : "La droite catholique a obtenu une clause de conscience dans le secteur des services."
La situation est grave. Car désormais, la liberté religieuse prime sur le principe d'égalité et ce dans tout le secteur des services. Une victoire de plus pour les conservateurs du pays. Et pour l'ancien président de SOS Homophobie, Joël Deumier, il s'agit d'une décision "totalement contraire aux principes qui fondent l'Union Européenne".
« Nous ne servons pas ces clients ». Décision dangereuse de la Cour constitutionnelle polonaise qui fait primer la liberté religieuse sur le principe dâégalité et autorise la discrimination des #LGBT. Totalement contraire aux principes qui fondent lâUE. https://t.co/0iWTugGBX4
— Joël Deumier (@joeldeumier) July 7, 2019
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Une arme à double tranchant
Dans son article, l'hebdomadaire polonais rappelle que cette clause n'existe dans la loi que pour les médecins. Mais de plus en plus de professions tentent de s'en saisir. C'est le cas de "pharmaciens catholiques" qui s’opposent à la vente de contraceptifs, ou encore de fonctionnaires qui refusent de délivrer des documents pour l'union d'homosexuels à l'étranger.
Mais la clause de conscience pourrait être une arme à double tranchant, comme l'a montré une récente affaire dans un magasin Ikea de Pologne. Le 6 juin dernier, un salarié s'est fait licencier pour avoir publié des propos homophobes jugés contraires aux valeurs du groupe sur l'Intranet de l'entreprise. "Cette fois, la droite présente l’affaire comme une répression à caractère religieux, car le salarié avait cité l’Ancien Testament pour dire que les homosexuels ‘seront punis de mort et leur sang retombera sur eux’", écrit Polityka.
De son côté le ministre de la justice Zbigniew Ziobro, a dénoncé "une affaire choquante" et annoncé la tenue d'une enquête sur le licenciement du salarié par Ikea.
Crédit photo : Lukas Plewnia / Wikimedia Commons.