artL'expo Pierre et Gilles à la Philharmonie : 40 ans de liaison heureuse avec la musique

Par Romain Burrel le 20/11/2019
pierre et gilles

Une exposition généreuse à la Philharmonie - Cité de la Musique de Paris explore le lien profond et unique qui lie le duo Pierre et Gilles à la musique. Immanquable !

C’est une bulle sucrée. Un voyage merveilleux au pays de la pop culture auquel nous convient Pierre et Gilles jusqu’au 23 février 2020 à la Philharmonie de Paris. Dans les salles de la Cité de la Musique, aménagées comme de petits écrins de paillettes ou de velours rouges, on visite le résultat de quarante ans de liaisons heureuses entre le duo de plasticiens et la musique.

110 tableaux, clips, pochettes de disques et memorabilia issus de leur atelier et qui forment l'une des oeuvres queers les plus passionnantes de notre époque. Des créations tour à tour sexy, kitsch, acidulées, touchantes, naïves et surtout follement gays ! L’exposition, sobrement intitulée "Pierre et Gilles, la fabrique des idoles", est la plus conséquente consacrée au couple de créateurs à Paris depuis celle du Jeu de Paume en 2007 (Double Je).

Panthéon

On pourrait disserter longtemps sur les influences de Pierre Commoy et Gilles Blanchard (les yéyés, Kenneth Anger, Andy Warhol, l’hindouisme, la mythologie, James Bidgood…) ou sur leur descendance plus ou moins légitime (David Lachappelle en tête) mais ce qui compte, ici, c'est de se laisser gagner par l'euphorie que procure chacune de leurs images.

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Dans ce dédale de portraits de stars aux allures de panthéon musical, se côtoient sans hiérarchie les idoles d’hier et d’aujourd’hui : Etienne Daho en marin tout droit sorti de "Querelle de Brest", Madonna en geisha (une des rares images qui ne fut pas réalisée dans le fameux studio du Près Saint Gervais), Gainsbourg en père noël taulard, Boy George en Krishna, Marc Almond en buveur d'absinthe, Kylie Minogue en nonne... On croise également des talents issus de la nouvelle scène française comme une Clara Luciani pleurant des larmes de sang, Juliette Armanet en Jeanne d'Arc ou Eddy de Pretto en petit roi.

Soit plusieurs générations de musicien.ne.s réunies sous le signe du kitsch et qui reçoivent tous et toutes le même traitement de la part des plasticiens : toujours généreux. Jamais moqueur.

A l’heure de Photoshop et des filtres snapchat, le travail de Pierre et Gilles procède de l'orfèvrerie, de la dévotion la plus totale à l'égard de ces figures pop adorées. Au-delà même des clins d'oeil religieux très présents dans leurs oeuvres, lorsqu'un artiste à la chance d'être "Pierre et Gill-isé", il devient alors immortel, jeune et glorifié à jamais. Il entre dans le club très fermé des icônes sanctifiés par ces deux papes de la culture pop.

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Mireille Mathieu et Jeff Stryker

De salle en salle, le visiteur peut apprécier l’évolution du travail et des techniques du duo. Du portrait sur fond rouge d’Iggy Pop, réalisé pour le magazine Façade en passant par ceux réalisés pour le groupe Mikado, jusqu’aux décors luxuriants des tableaux de Conchita Wurst ou de Stromae. Le couple a rarement cédé au numérique et son travail relève de la méticulosité la plus maniaque. Car la naissance d’une image de Pierre et Gilles exige plusieurs semaines de travail. 

En son centre, l’exposition compte un joyau : un sublime portrait de Lio baptisé « la Madone au coeur blessé ». Une image bouleversante de beauté qui souligne le coté mélancolique de la chanteuse, versant de sa personnalité que longtemps elle s'évertua à cacher au grand public.

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Autre temps fort de cette expo magique, cet "autel de la musique" fait de bibelots, de photos des 2BE3 et d'une dédicace de Mireille Mathieu qui trône habituellement dans le salon du studio des artistes. Un monument au pied duquel on remarque une figurine à l'effigie de l'acteur porno Jeff Stryker que le duo avait immortalisé au temps de sa superbe. Ou encore cette salle entièrement dédiée à Sylvie Vartan, où l'on peut admirer six portraits de la chanteuse et même une reconstitution de la chambre d'adolescent de Pierre à l'époque où celui-ci était totalement « amoureux » de l’héroïne yéyé. Hommage en miroir, la chanteuse a accepté d'interpréter pour l'exposition une chanson inédite écrite par le canadien Pierre Lapointe. Car l'amour ne vaut que s'il est partagé.

Pierre et Gilles, la fabrique des idoles, du 20 novembre au 23 février à la Cité de la musique.

Crédits images: Pierre et Gilles